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Dissertation sur Lettres d'une Péruvienne de Graffigny

Le roman épistolaire de Graffigny permet-il d’exprimer une confession intime ou une critique de la société ?

Le 23/08/2025 0

Dans Ressources pédagogiques : examen 2026

Dissertation

Bac 2026

Sujet :
Dans Lettres d’une Péruvienne, Françoise de Graffigny fait entendre la voix d’une étrangère arrachée à son pays et confrontée aux mœurs européennes.
Pensez-vous que le roman épistolaire permette avant tout d’exprimer une confession intime ou de proposer une critique de la société ?

 

 

Ce sujet met en tension les deux fonctions principales de l’écriture épistolaire dans le roman :

  • La confession intime → Zilia écrit ses souffrances, ses désirs, ses doutes, ses sentiments amoureux, ce qui rapproche le texte de l’aveu et de l’introspection.
  • La critique de la société → à travers son regard neuf, elle interroge les mœurs, les institutions, la condition féminine, et propose une réflexion qui rejoint les débats des Lumières.
  • Il invite à réfléchir sur la double portée du roman : personnelle et universelle.

 

Au XVIIIᵉ siècle, le roman épistolaire séduit de nombreux auteurs parce qu’il permet de donner une voix directe et vivante à leurs personnages. L’illusion d’une parole spontanée rend possible à la fois l’expression des émotions et la mise en cause des mœurs. Dans Lettres d’une Péruvienne (1747), Françoise de Graffigny imagine la correspondance fictive d’une princesse inca, Zilia, enlevée de son pays et confrontée à la civilisation européenne. Ses lettres disent à la fois la douleur de l’exil et la critique d’un monde qui lui est étranger.
On peut donc se demander : le roman épistolaire permet-il avant tout à Graffigny d’exprimer une confession intime ou de proposer une critique de la société ?

I. Une confession intime : la voix sensible d’une femme déracinée

La lettre, une parole intime et sincère

Chaque lettre est adressée à Aza, le fiancé resté au Pérou. Cela crée une illusion d’authenticité : Zilia semble se confier directement à lui.

Zilia confie ses émotions les plus profondes : douleur de la séparation, nostalgie du Pérou, solitude

Exemple : dans la lettre I, elle exprime son désespoir – « je ne vois plus que des étrangers » – qui marque le choc de la séparation.

Un espace d’analyse des sentiments

Zilia décrit son trouble, son angoisse, mais aussi son espoir. L’épistolaire est comme un journal des émotions.

Elle raconte ses hésitations entre fidélité à Aza et attirance pour Déterville : le lecteur suit son évolution psychologique.

On retrouve ici le goût du XVIIIᵉ pour l’analyse psychologique.

L’écriture comme affirmation de soi

En écrivant, Zilia se construit une identité : au fil des lettres, elle s’affirme comme une femme qui choisit l’indépendance.

Dans la lettre finale, elle refuse de se marier, préférant « conserver sa liberté » : la confession intime devient un instrument d’émancipation.

 La dimension intime est donc essentielle : le lecteur découvre un univers intérieur sensible, ce qui correspond au parcours « Un nouvel univers s’est offert à mes yeux ».

II. Une critique sociale et politique par le regard de l’étrangère

Un regard neuf et étonné sur la France

Zilia observe avec naïveté mais lucidité les mœurs françaises, ce qui fait ressortir leur étrangeté.

Exemple : dans la lettre XVII, elle s’étonne de voir les femmes « s’exposer avec tant de hardiesse » et critique la frivolité de leurs tenues.

La dénonciation de la condition féminine

Zilia remarque l’absence de liberté des femmes françaises, soumises aux conventions sociales et au mariage.

Exemple : elle s’indigne que leur éducation se limite aux « amusements frivoles » alors qu’elles pourraient être instruites et égales aux hommes.

Graffigny rejoint ainsi les combats des Lumières pour l’égalité entre hommes et femmes.

Une réflexion universelle sur l’égalité

Derrière l’exotisme, Graffigny dénonce l’ethnocentrisme européen et défend une conception plus juste des rapports entre peuples et sexes.

Comme Montesquieu dans Lettres persanes, l’étrangère sert de miroir critique : à travers son regard, c’est toute la société française qui est interrogée.

 Le roman dépasse la simple confession pour devenir une satire sociale et un manifeste pour l’égalité, dans l’esprit des Lumières.

III. Un équilibre : l’intime au service de la critique

La sensibilité comme moyen de convaincre

Le lecteur est touché par les émotions de Zilia et accepte plus facilement ses jugements sur la société.

Sa douleur personnelle rend sa critique plus crédible : elle parle d’expérience, pas d’abstraction.

L’épistolaire comme forme double

La lettre allie plaisir du récit personnel et force argumentative : l’intime et le social se mêlent naturellement.

Exemple : ses confidences sur son malheur débouchent souvent sur une réflexion générale sur l’injustice.

Un nouvel univers intérieur et social

Univers intime : l’évolution d’une jeune femme vers l’indépendance.

Univers social : la découverte critique d’une société qui n’est pas la sienne.

Le parcours bac est pleinement éclairé : l’œuvre propose un double « nouvel univers » au lecteur.

 Les deux fonctions ne s’opposent pas : la confession nourrit la critique, et la critique donne un sens à la confession.

Lettres d’une Péruvienne est donc à la fois un roman de confession intime et une critique sociale. Par la voix de Zilia, Graffigny exprime la douleur d’une femme exilée et ses combats intérieurs, mais elle utilise aussi ce regard étranger pour dénoncer les injustices de la société française et l’inégalité des sexes.
L’œuvre illustre parfaitement le parcours « Un nouvel univers s’est offert à mes yeux » : elle ouvre au lecteur un monde sensible (les émotions d’une femme) et un monde intellectuel (la critique des Lumières).
On peut rapprocher ce double mouvement d’autres romans épistolaires comme Lettres persanes de Montesquieu ou La Nouvelle Héloïse de Rousseau, qui associent eux aussi émotion et réflexion.

 

Pour aller plus loin : 

 

Bac 2026

En quoi l’écriture épistolaire de Graffigny permet-elle d’écrire et de combattre pour l’égalité ?

Le XVIIIᵉ siècle est marqué par l’esprit des Lumières : écrivains et philosophes cherchent à éclairer la société et à dénoncer les injustices. Dans ce contexte, Françoise de Graffigny, femme de lettres, publie en 1747 Lettres d’une Péruvienne, roman épistolaire qui connaît un grand succès. Le récit met en scène Zilia, jeune Péruvienne enlevée par les Espagnols puis recueillie en France, qui raconte ses découvertes et ses réflexions dans ses lettres.
Ce texte, à la fois confession intime et critique sociale, s’inscrit pleinement dans le parcours « Écrire et combattre pour l’égalité », puisqu’il met en lumière à la fois les inégalités de genre et les inégalités entre peuples.
On peut donc se demander : en quoi l’écriture épistolaire de Graffigny permet-elle d’écrire et de combattre pour l’égalité ?

I. L’épistolaire comme espace de liberté et de vérité

La confession intime : Zilia peut exprimer sans contrainte ses émotions, ses souffrances, ses espoirs ; la lettre devient un lieu où une femme prend la parole, ce qui était encore rare au XVIIIᵉ siècle.

Un regard étranger : en décrivant la France avec naïveté et étonnement, Zilia dévoile les contradictions et les injustices d’une société qui se croit civilisée.

Un discours sincère : le « je » épistolaire permet une critique indirecte, plus forte car elle semble venir d’une voix innocente et authentique.

 Ici, Graffigny utilise l’épistolaire pour donner une voix à une femme étrangère, en marge, et rendre audible un discours qui dénonce les inégalités.

II. Un roman qui dénonce les inégalités entre les sexes

Critique de l’éducation féminine : Zilia s’étonne que les femmes françaises soient condamnées à la frivolité et privées d’instruction. Graffigny défend implicitement le droit à l’éducation.

Dénonciation de la dépendance conjugale : Zilia refuse de se laisser réduire au rôle d’épouse soumise ; elle revendique une indépendance affective et financière.

Une héroïne qui s’affirme : contrairement à bien des héroïnes de l’époque, Zilia choisit la liberté plutôt que l’amour qui asservit.

 Graffigny combat donc pour l’égalité des sexes : par la voix de Zilia, elle ouvre un débat sur la condition féminine et défend la possibilité d’une autonomie des femmes.

III. Une critique des inégalités entre peuples et une ouverture à l’universel

La dénonciation de la conquête coloniale : Zilia est une victime directe de la violence des conquérants espagnols, ce qui illustre les abus de la domination européenne.

Un regard critique sur l’ethnocentrisme : en découvrant la société française, Zilia met en lumière ses injustices (inégalités sociales, hypocrisie, corruption).

Un appel à l’égalité universelle : le roman dépasse la situation de Zilia pour poser la question d’une humanité commune où tous devraient jouir de dignité et de liberté.

 Graffigny élargit ainsi son combat : l’égalité ne concerne pas seulement les sexes, mais aussi les peuples et l’ensemble de l’humanité.

Par son choix du roman épistolaire, Françoise de Graffigny donne la parole à une héroïne singulière qui, à travers ses lettres, dénonce les injustices subies par les femmes et par les peuples dominés. Lettres d’une Péruvienne illustre parfaitement le projet des Lumières : écrire pour éveiller les consciences et combattre les inégalités.
En donnant à une femme étrangère la liberté d’exprimer sa pensée, Graffigny propose un regard neuf sur sa société et ouvre la voie à une réflexion universelle sur l’égalité.
On peut ainsi voir dans ce roman une œuvre précurseure du féminisme et de l’anticolonialisme, qui continue d’éclairer notre modernité.

 

 

Disserter sur Françoise de Graffigny

 Lettres d'une Péruvienne

 

 

 

A mettre en lien : 

 

En définitive, Lettres d’une Péruvienne de Françoise de Graffigny illustre bien l’ambivalence du roman épistolaire : à travers la voix de Zilia, il permet à la fois l’expression d’une expérience intime – celle de l’arrachement, de l’exil et des tourments amoureux – et la critique de la société française du XVIIIᵉ siècle, en particulier de la condition féminine. Cette double fonction, entre confession et dénonciation, fait de l’œuvre une contribution essentielle au projet des Lumières, où l’écriture devient un instrument de réflexion et d’émancipation.

On peut rapprocher cette démarche de celle de Montesquieu dans les Lettres persanes, qui recourait déjà au regard étranger pour interroger les travers de la société française, mais aussi de Rousseau dans Julie ou la Nouvelle Héloïse, où la lettre se fait avant tout le lieu de l’expression des émotions intimes. Ainsi, Graffigny réussit à combiner ces deux traditions, en offrant à la fois un roman du sentiment et un texte de combat pour l’égalité.

Montesquieu, Lettres persanes (1721)

Deux Persans découvrent la société française → critique des mœurs et des institutions à travers le regard étranger.

C’est le parallèle le plus direct avec Graffigny : même forme, même décentrement culturel.

Rousseau, Julie ou la Nouvelle Héloïse (1761)

Roman épistolaire centré sur la confession intime et les émotions.

Permet de montrer que l’épistolaire est aussi un lieu d’analyse sentimentale, pas seulement critique.

 

 

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