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Troisième soir, études linéaire et littéraire, Entretiens sur la pluralité des mondes, Fontenelle au bac de français 2026

Le 25/08/2025 0

Dans Commentaires littéraires et études linéaires, bac 2026

Troisième soir

 

 

Etude linéaire de " Troisième soir "

 

Entretiens sur la pluralite des mondes fontenelle parcours bac le gout de la science les etudes lineaires des six soirs

Tâchons du moins pour notre consolation de deviner ce que nous pourrons de ce monde-là. Je crois, par exemple, qu’il faut qu’on y voie le ciel, le Soleil, et les autres d’une autre couleur que nous ne les voyons. Tous ces objets ne nous paraissent qu’au travers d’une espèce de lunette naturelle qui nous les change. Cette lunette, c’est notre air, mêlé comme il est de vapeurs et d’exhalaisons, et qui ne s’étend pas bien haut. Quelques Modernes prétendent que de lui-même il est bleu aussi bien que l’eau de la mer, et que cette couleur ne paraît dans l’un et dans l’autre qu’à une grande profondeur. Le ciel, disent-ils, où sont attachées les étoiles fixes, n’a de lui-même aucune lumière, et par conséquent il devrait paraître noir; mais on le voit au travers de l’air qui est bleu, et il paraît bleu. Si cela est, les rayons du soleil et des étoiles ne peuvent passer au travers de l’air sans se teindre un peu de sa couleur, et prendre autant de celle qui leur est naturelle. Mais quand même l’air ne serait pas coloré de lui-même, il est certain qu’au travers d’un gros brouillard, la lumière d’un flambeau qu’on voit un peu de loin paraît toute rougeâtre, quoique ce ne soit pas sa vraie couleur; et notre air n’est non plus qu’un gros brouillard qui nous doit altérer la vraie couleur, et du ciel, et du soleil, et des étoiles. Il n’appartiendrait qu’à la matière céleste de nous apporter la lumière et les couleurs dans toute leur pureté, et telles qu’elles sont. Ainsi, puisque l’air de la Lune est d’une autre nature que notre air, ou il est teint en lui-même d’une autre couleur, ou du moins c’est un autre brouillard qui cause une autre altération aux couleurs des corps célestes. Enfin, à l’égard des gens de la Lune, cette lunette au travers de laquelle on voit tout est changée. Cela me fait préférer notre séjour à celui de la Lune, dit la Marquise, je ne saurais croire que l’assortiment des couleurs célestes y soit aussi beau qu’il l’est ici. Mettons, si vous voulez, un ciel rouge et des étoiles vertes, l’effet n’est pas si agréable que des étoiles couleur d’or sur du bleu. On dirait à vous entendre, repris-je, que vous assortiriez un habit ou un meuble; mais, croyez-moi, la nature a bien de l’esprit; laissez-lui le soin d’inventer un assorti ment de couleurs pour la Lune, et je vous garantis qu’il sera bien entendu. Elle n’aura pas manqué de varier le spectacle de l’univers à chaque point de vue différent, et de le varier d’une manière toujours agréable. Je reconnais son adresse, interrompit la Marquise, elle s’est épargné la peine de changer les objets pour chaque point de vue, elle n’a changé que les lunettes, et elle a l’honneur de cette grande diversité, sans en avoir fait la dépense. Avec un air bleu, elle nous donne un ciel bleu, et peut-être avec un air rouge, elle donne un ciel rouge aux habitants de la Lune, c’est pourtant toujours le même ciel. Il me paraît qu’elle nous a mis dans l’imagination certaines lunettes, au travers desquelles on voit tout, et qui changent fort les objets à l’égard de chaque homme. Alexandre voyait la Terre comme une belle place bien propre à y établir un grand empire. Céladon ne la voyait que comme le séjour d’Astrée. Un philosophe la voit comme une grosse planète qui va par les cieux, toute couverte de fous. Je ne crois pas que le spectacle change plus de la terre à la Lune, qu’il fait ici d’imagination à imagination.

 

Dans ses Entretiens sur la pluralité des mondes (1686), Fontenelle vulgarise les découvertes scientifiques récentes en les intégrant dans un dialogue galant entre un philosophe et une Marquise. Le Troisième soir prolonge l’exploration de la Lune et interroge notre manière de percevoir les astres. À travers une comparaison entre la Terre et la Lune, Fontenelle met en avant la relativité de la perception humaine, l’importance de l’imagination et la diversité des représentations.

Problématique possible : Comment ce passage articule-t-il la réflexion scientifique sur la perception des phénomènes célestes avec une méditation plus philosophique et poétique sur la relativité des points de vue ?

Bac 2026

Mouvement 1 (début → « Enfin, à l’égard des gens de la Lune, cette lunette au travers de laquelle on voit tout est changée. »)

 La réflexion scientifique sur la relativité des perceptions

Le narrateur introduit un projet rationnel : « Tâchons du moins pour notre consolation de deviner… » → attitude modeste, curiosité scientifique.

La métaphore centrale de la « lunette naturelle » illustre la médiation de l’air terrestre dans notre perception : vulgarisation claire, image concrète pour un public non savant.

Exemple des « Modernes » → Fontenelle s’appuie sur des débats contemporains (nature du bleu du ciel, réfraction de la lumière) : actualité scientifique.

La comparaison du « gros brouillard » et de la « lumière d’un flambeau » illustre comment l’air déforme la couleur véritable des astres. → pédagogie par l’image sensible.

Conclusion du raisonnement : la perception des habitants de la Lune diffère nécessairement de la nôtre, puisque leur atmosphère est différente. → idée de relativité universelle des perceptions.

 Ici, la démarche scientifique est claire : observer, comparer, raisonner par analogie. Fontenelle initie à la pensée moderne en rendant le savoir séduisant et compréhensible.

Mouvement 2 (« Cela me fait préférer notre séjour… » → « … varier d’une manière toujours agréable. »)

 De la science au goût esthétique : le regard de la Marquise

La Marquise adopte un point de vue sensible et esthétique : elle préfère « des étoiles couleur d’or sur du bleu ». → subjectivité, goût mondain.

Le philosophe répond avec humour : « On dirait à vous entendre que vous assortiriez un habit ou un meuble » → ironie légère, galanterie.

Il défend l’idée que la nature a son « esprit », sa capacité d’ordonnancement esthétique. → personnification de la nature, presque démiurge artiste.

Importance de la variété : « varier le spectacle de l’univers à chaque point de vue différent » → la nature est inventive et harmonieuse, source infinie d’émerveillement.

 Ce mouvement illustre le rôle du dialogue : confrontation de deux approches (scientifique et sensible) qui enrichissent la réflexion. Fontenelle montre que science et beauté ne s’opposent pas, mais se complètent.

Bac 2026

Mouvement 3 (« Je reconnais son adresse… » → fin)

 La relativité généralisée : de la perception à l’imagination humaine

La Marquise propose une idée brillante : la nature n’a pas besoin de changer le réel, il suffit de changer les « lunettes » → métaphore centrale, ouverture vers une philosophie de la perception.

Exemple : avec un air bleu, nous voyons un ciel bleu ; avec un air rouge, les Lunaires voient un ciel rouge → variation d’un même objet selon le point de vue.

Extension à l’imagination humaine : « il me paraît qu’elle nous a mis dans l’imagination certaines lunettes » → métaphore généralisée : chaque homme perçoit le monde différemment.

Exemples contrastés : Alexandre (conquérant), Céladon (amant pastoral), philosophe (observateur critique) → la diversité des imaginaires humains reflète la diversité cosmique.

Chute ironique : « couverte de fous » → regard satirique du philosophe, qui relativise et dédramatise.

 Ce dernier mouvement dépasse la science pour ouvrir à une philosophie de la subjectivité : le réel n’existe que dans la diversité des points de vue.

Ce passage du Troisième soir illustre parfaitement l’art de Fontenelle :

Scientifique : il vulgarise des découvertes astronomiques modernes sur la couleur du ciel et la perception des astres.

Philosophique : il insiste sur la relativité des perceptions et sur la médiation de nos sens et de notre imagination.

Littéraire et galant : le dialogue avec la Marquise allège le propos par l’humour, la grâce et le goût esthétique.

 Ouverture : Ce texte fait écho à la réflexion de Pascal dans les Pensées sur la relativité des grandeurs et des perceptions (« Vérité en deçà des Pyrénées, erreur au-delà »). Comme lui, Fontenelle invite à l’humilité, mais dans une tonalité légère et plaisante.

 

Commentaire littéraire 

 

Dans ses Entretiens sur la pluralité des mondes (1686), Fontenelle vulgarise les découvertes astronomiques récentes à travers un dialogue galant entre un philosophe et une Marquise. Le Troisième soir s’intéresse à la vision de la Lune et à la manière dont nous percevons les astres. À travers la comparaison entre la Terre et la Lune, Fontenelle interroge la relativité des perceptions et l’influence de l’imagination sur notre compréhension du monde. Le texte allie clarté scientifique, humour et sensibilité esthétique, offrant une méditation intellectuelle et plaisante sur la diversité des points de vue humains.

On peut ainsi se demander : comment Fontenelle articule-t-il la vulgarisation scientifique avec une réflexion philosophique et poétique sur la relativité des points de vue, tout en rendant le texte plaisant par le dialogue et l’humour ?

Bac 2026

I. Une vulgarisation scientifique accessible et séduisante

1. Une approche didactique claire

Fontenelle introduit les concepts scientifiques par des images concrètes : la « lunette naturelle » qui « change selon les airs » illustre comment l’atmosphère terrestre déforme la perception des astres. Cette métaphore, simple et parlante, rend une notion abstraite compréhensible au grand public et montre l’efficacité de sa pédagogie. L’usage de la comparaison (« comme si l’on regardait à travers un gros brouillard ») permet au lecteur d’imaginer directement le phénomène, rendant la science tangible.

2. L’actualité scientifique au service du dialogue

L’auteur s’appuie sur les débats contemporains, évoquant les travaux des « Modernes » sur la couleur du ciel ou la réfraction de la lumière. Cette actualité scientifique montre que Fontenelle maîtrise les connaissances de son temps et les rend accessibles à un public non savant. Le texte vulgarise donc les découvertes astronomiques, tout en donnant aux lecteurs le sentiment de participer à une conversation intellectuelle moderne.

3. La pédagogie par l’image sensible

Les comparaisons concrètes (« gros brouillard », « lumière d’un flambeau ») permettent de visualiser la manière dont l’air modifie la couleur et la lumière des astres. Fontenelle rend la science sensible, en s’adressant aux sens et à l’imagination, ce qui crée un plaisir de lecture tout en initiant le lecteur à la méthode scientifique : observation, analogie, comparaison.

Transition : Mais la réflexion scientifique ne se limite pas à la simple transmission de connaissances : elle s’inscrit dans un dialogue galant qui met en valeur la sensibilité et le goût esthétique.

II. L’harmonie entre science et sensibilité esthétique

1. Le regard subjectif et poétique de la Marquise

La Marquise exprime sa préférence pour des « étoiles couleur d’or sur du bleu », révélant un goût personnel et sensible. Son point de vue montre que la perception ne se limite pas aux faits scientifiques : la beauté et l’harmonie entrent en jeu. Fontenelle valorise ainsi la subjectivité et l’émotion comme éléments de connaissance, ouvrant la science à l’esthétique.

2. L’ironie galante du philosophe

Le dialogue met en scène l’ironie légère du philosophe : « On dirait à vous entendre que vous assortiriez un habit ou un meuble ». Cette comparaison mondaine rapproche le spectateur de la science, la rendant familière et plaisante. L’humour et la galanterie renforcent l’attrait du texte et montrent que la rigueur scientifique peut se combiner avec légèreté et charme.

3. La nature comme œuvre d’art

Fontenelle personnifie la nature, lui attribuant un « esprit » capable de varier et d’innover : « varier le spectacle de l’univers à chaque point de vue différent ». La nature est ici envisagée comme une œuvre esthétique, inventive et harmonieuse. Le dialogue met ainsi en évidence la complémentarité entre observation scientifique et appréciation poétique, science et beauté se nourrissant mutuellement.

Transition : Au-delà de la science et de l’esthétique, le texte propose une réflexion sur la relativité des perceptions et la diversité des imaginaires humains.

Bac 2026

III. La relativité des perceptions et la philosophie de l’imagination

1. La métaphore des lunettes

La Marquise suggère que la perception dépend des « lunettes » que l’on porte : « il me paraît qu’elle nous a mis dans l’imagination certaines lunettes ». Cette image centrale illustre que le même objet peut apparaître différemment selon le point de vue ou le contexte. La perception n’est donc pas absolue, mais modulée par l’expérience et la sensibilité de chacun.

2. L’extension à la diversité des imaginaires humains

Fontenelle montre que chacun construit sa vision du monde selon sa culture, ses goûts et ses expériences : Alexandre, conquérant, a une perception différente de celle de Céladon, amant pastoral, ou du philosophe observateur critique. La multiplicité des imaginaires humains reflète la diversité cosmique et traduit une philosophie qui valorise la pluralité des perspectives.

3. L’ironie et la philosophie légère

La chute ironique, « couverte de fous », relativise la diversité des perceptions et dédramatise la subjectivité. Fontenelle adopte un ton ludique et galant pour montrer que le réel se construit à travers les points de vue et l’imagination. L’écriture allie ainsi philosophie, humour et pédagogie.

Le Troisième soir illustre l’art de Fontenelle :

Vulgarisation scientifique : des explications claires et accessibles sur la perception des astres et la couleur du ciel.

Esthétique et dialogue galant : humour, légèreté et sensibilité poétique.

Réflexion philosophique : relativité des perceptions et diversité des imaginaires.

Fontenelle, à l’instar de Pascal, invite à l’humilité face aux points de vue différents, mais dans un style plaisant et séduisant. Le texte montre que science, imagination et esthétique peuvent coexister, offrant un modèle de pensée à la fois rigoureux et sensible.

 

Ouvertures possibles 

  • Relativité des perceptions et philosophie humaniste : Comme Montaigne dans Les Essais, Fontenelle insiste sur la diversité des points de vue et la médiation de nos sens : chaque individu perçoit le monde à sa manière, ce qui invite à l’humilité et à la tolérance.
  • Science et imagination littéraire : À l’instar de Voltaire dans Micromégas, Fontenelle utilise la fiction pour rendre la science accessible et stimuler l’imagination, montrant que l’esprit humain peut explorer l’univers sans limite.
  • Arts et diversité des regards : Fontenelle, en valorisant la subjectivité et la variété des perceptions, rejoint l’idée montaignienne que l’expérience personnelle colore notre compréhension du monde, une réflexion que l’on retrouve aussi dans les arts visuels, où le point de vue transforme la réalité perçue.

 

 

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