Savoir disserter sur une oeuvre intégrale
littérature d'idées au bac 2026
Entretiens sur la pluralité des mondes, Fontenelle
Chaque dissertation qui suit s’inscrit dans le cadre du parcours « Le goût de la science ». Elle propose une réflexion à la fois littéraire et philosophique sur la façon dont la science peut s’exprimer : faut-il la rendre plaisante ? La réduire à sa rigueur ? Ou trouver un équilibre entre raison et imagination ? Ces exercices de pensée, nourris de références variées, prolongent l’ambition de Fontenelle : faire aimer la science autant que la comprendre.
Sujet de dissertation
La science doi
t-elle avant tout chercher à convaincre par la démonstration rationnelle, ou peut-elle aussi séduire par l’imagination et l’émerveillement ?
Ce sujet te permet de réfléchir :
- au rôle de la raison et de la démonstration dans la transmission du savoir scientifique (la rigueur, l’exactitude, la logique),
- à la place de l’imagination, du plaisir et de l’émerveillement (le « goût » de la science, qui fascine et attire),
- à l’équilibre entre ces deux dimensions, que Fontenelle incarne en expliquant l’astronomie à travers des images poétiques et des dialogues plaisants.
Plan détaillé

Depuis ses origines, la science s’est construite sur la démonstration rationnelle, destinée à convaincre par la logique et l’évidence expérimentale. Galilée, Newton ou Descartes affirment que la vérité scientifique ne repose que sur la raison, dégagée des illusions de l’imagination. Pourtant, au XVIIᵉ siècle, Fontenelle adopte une démarche différente : dans ses Entretiens sur la pluralité des mondes (1686), il expose les grandes découvertes astronomiques dans un cadre mondain et plaisant. À travers des comparaisons poétiques et une conversation légère, il cherche moins à démontrer qu’à éveiller l’admiration et le « goût » de la science. Ce choix audacieux invite à s’interroger : la science doit-elle avant tout convaincre par la rigueur rationnelle, ou peut-elle aussi séduire par l’imagination et l’émerveillement ?
La transmission de la science doit-elle se limiter à la stricte démonstration rationnelle, ou bien gagner à mobiliser l’imagination et l’émerveillement pour mieux capter l’attention et éveiller la curiosité ?
I. La démonstration rationnelle : le fondement incontournable de la science
La science comme quête de vérité : son autorité repose sur des preuves rationnelles et vérifiables. Sans démonstration, elle risquerait de se confondre avec la fiction. Exemple : Newton établit par des calculs la loi de la gravitation universelle.
La rigueur comme garantie contre l’erreur : l’imagination, livrée à elle-même, peut égarer. Descartes dans son Discours de la méthode insiste sur le doute méthodique et le rejet de tout ce qui n’est pas prouvé clairement.
La crédibilité des savants : seule la démonstration rationnelle confère une légitimité universelle. Une vérité scientifique ne dépend pas du charme du discours, mais de sa valeur logique.
II. L’imagination et l’émerveillement : des moyens puissants pour éveiller l’intérêt
La séduction comme porte d’entrée : Fontenelle compare les étoiles à « autant de soleils qui ont chacun leurs planètes », métaphore poétique qui rend accessible et fascinante l’immensité de l’univers. L’imagination traduit l’abstrait en images sensibles.
Un plaisir qui favorise la curiosité : dans les Entretiens, la marquise s’étonne, interroge et progresse grâce au charme de la conversation. L’émerveillement maintient l’attention et stimule l’envie d’apprendre.
Une démocratisation du savoir : en utilisant un style agréable, Fontenelle ouvre la science à un public exclu du savoir académique, notamment les femmes. L’imagination devient un vecteur d’inclusion culturelle.
III. La nécessaire alliance entre raison et imagination
La rigueur pour le fond, l’imagination pour la forme : une vérité scientifique ne peut être transmise sans fidélité aux faits, mais l’imagination aide à l’exprimer et à la rendre vivante.
La pédagogie de la vulgarisation : séduire ne remplace pas la démonstration, mais la prépare. L’image suscite l’étonnement, la raison assure la compréhension. C’est ce que fait Fontenelle : « J’ai pris la liberté de tout expliquer sans termes de l’art. »
Un équilibre fécond : la science ne gagne pas à opposer rigueur et séduction. Les vulgarisateurs modernes comme Hubert Reeves associent exactitude et poésie, affirmant que « la rigueur scientifique et la beauté du cosmos » se complètent pour mieux toucher le public.
La science repose nécessairement sur la démonstration rationnelle, seule garante de la vérité. Mais, pour se diffuser et éveiller l’intérêt, elle a besoin de séduire, par l’imagination et l’émerveillement. L’un sans l’autre reste incomplet : la rigueur fonde la validité du savoir, l’émerveillement en suscite le goût. Fontenelle, en mêlant la poésie à l’astronomie, a montré que la science peut être à la fois exacte et séduisante.
Ce débat reste d’actualité à l’ère des médias et de la vulgarisation numérique. Entre rigueur académique et popularisation séduisante, la science cherche encore aujourd’hui à trouver un équilibre : comment préserver sa vérité sans cesser d’émerveiller ?
Dissertation intégralement rédigée

La science s’est construite sur l’exigence de preuves rationnelles, fondées sur l’expérience et la démonstration. Depuis Galilée, Newton ou Descartes, elle repose sur une méthode stricte qui garantit la vérité universelle et écarte toute illusion. Comme l’écrit Descartes dans le Discours de la méthode (1637), il faut « ne recevoir jamais aucune chose pour vraie que je ne la connusse évidemment être telle ». La démonstration apparaît donc comme le cœur de la science, car elle seule convainc sans séduire.
Cependant, au XVIIᵉ siècle, un auteur comme Fontenelle adopte une démarche originale. Dans ses Entretiens sur la pluralité des mondes (1686), il expose l’astronomie moderne dans un cadre mondain : un philosophe explique à une marquise, au détour d’une promenade nocturne, les grands principes coperniciens. Pour rendre ces idées accessibles, il mobilise des métaphores poétiques, des images sensibles, et suscite l’émerveillement devant l’univers. Ce choix semble paradoxal : la science n’est-elle pas affaire de raison plutôt que d’imagination ? Et pourtant, ce charme de la vulgarisation rend le savoir séduisant et attrayant.
Dès lors, la question se pose : la science doit-elle avant tout convaincre par la démonstration rationnelle, ou peut-elle aussi séduire par l’imagination et l’émerveillement ?
Faut-il limiter la transmission scientifique à la seule rigueur rationnelle, garante de sa vérité, ou bien l’associer à l’imagination et au plaisir esthétique pour mieux éveiller la curiosité ?
I. La démonstration rationnelle : fondement indispensable de la science
D’abord, il faut rappeler que la science repose avant tout sur la démonstration rationnelle, qui seule lui confère légitimité et crédibilité.
1. La science comme quête de vérité universelle
La vérité scientifique ne dépend pas du charme du discours mais de la force des preuves. Newton, dans ses Principia mathematica (1687), établit les lois de la gravitation par des calculs rigoureux : « Hypotheses non fingo » (« Je ne forge pas d’hypothèses »), écrit-il, insistant sur la primauté de l’expérience et du raisonnement. Sans cette rigueur, la science se confondrait avec la littérature ou le mythe.
2. La rigueur protège contre l’erreur
L’imagination, si elle n’est pas guidée par la raison, peut égarer. Descartes, dans la première règle de sa méthode, recommande de rejeter tout ce qui n’est pas « clair et distinct ». Ainsi, si la science cédait à la séduction des images, elle risquerait de se perdre dans l’approximation. Une comparaison plaisante peut éclairer, mais elle ne vaut pas une démonstration expérimentale.
3. L’autorité des savants
Enfin, limiter la science aux spécialistes permet d’éviter les approximations. Au XVIIᵉ siècle, l’Académie des sciences, fondée par Colbert en 1666, se donne pour mission de contrôler la validité des découvertes. La démonstration rationnelle est ainsi garante d’un savoir reconnu par la communauté scientifique, indépendamment de toute séduction.
Transition : pourtant, si la science ne devait être que rationnelle et abstraite, elle resterait réservée à une élite. Or Fontenelle montre qu’elle peut aussi séduire, et que l’imagination joue un rôle essentiel pour susciter le « goût de la science ».
II. L’imagination et l’émerveillement : des outils pour éveiller la curiosité
Fontenelle, en vulgarisateur, fait le pari de séduire pour instruire. Loin d’être un danger, l’imagination devient alors un moyen pédagogique puissant.
1. La séduction comme porte d’entrée
Les images permettent de rendre accessibles des vérités abstraites. Ainsi, dans les Entretiens, Fontenelle compare les étoiles à « autant de soleils qui ont chacun leurs planètes ». Cette métaphore poétique transforme une théorie difficile en image claire et fascinante. L’imagination rend sensible ce qui serait sinon impénétrable.
2. Le plaisir qui entretient la curiosité
La marquise des Entretiens incarne le lecteur profane : elle questionne, s’étonne, sourit. C’est le charme de la conversation qui entretient son intérêt. Comme le dit le philosophe à son interlocutrice : « Vous n’avez qu’à me demander, et je vous dirai tout ce que je sais. » L’émerveillement devant l’infini du ciel devient une force d’apprentissage : la curiosité se nourrit de la beauté et du plaisir.
3. Une démocratisation du savoir
Enfin, l’imagination et le charme littéraire permettent d’élargir le public de la science. Fontenelle revendique ce choix : « Je me suis fait une loi de n’employer que des termes qui pussent être entendus de tout le monde. » En s’adressant aux femmes et aux non-savants, il sort la science du cercle étroit des académies pour en faire un bien commun. Cette démarche préfigure celle des Lumières, qui feront de la vulgarisation un outil d’émancipation.
Transition : si l’imagination séduit et attire, elle ne suffit pas. La science ne peut se passer de rigueur. Faut-il donc opposer raison et séduction ? Fontenelle, en réalité, montre qu’elles doivent se compléter.
III. La nécessaire alliance entre raison et imagination
Loin de s’exclure, rigueur rationnelle et séduction imaginative doivent travailler ensemble pour assurer à la science sa validité et son rayonnement.
1. La rigueur comme socle
Une vérité scientifique ne peut être transmise sans exactitude. La simplification doit rester fidèle. Fontenelle le reconnaît lui-même : « J’ai pris la liberté de tout expliquer sans termes de l’art. » Il supprime les détails techniques, mais ne trahit pas le fond. La rigueur reste la condition de légitimité.
2. L’imagination comme pédagogie
Séduire n’est pas trahir, mais initier. Les images et métaphores ne remplacent pas la démonstration, elles la préparent. L’émerveillement suscite l’envie d’approfondir. Ainsi, Hubert Reeves, vulgarisateur contemporain, affirme : « La rigueur des concepts n’empêche pas la poésie du cosmos. » L’imagination conduit au seuil de la science, et la raison prend le relais.
3. Une complémentarité féconde
Enfin, il existe une division du travail : les savants produisent des connaissances avec rigueur, les vulgarisateurs les diffusent avec charme. L’un et l’autre rôle sont nécessaires. Les sciences ne vivent pas cloîtrées dans les laboratoires : elles nourrissent la culture. Fontenelle, Reeves ou Étienne Klein montrent que l’imagination et la rigueur ne sont pas ennemies mais alliées.
La science repose sur la démonstration rationnelle, sans laquelle elle perdrait toute légitimité. Mais la rigueur seule ne suffit pas à éveiller le « goût de la science ». Pour que le savoir devienne partageable, il faut aussi séduire, éveiller l’admiration et l’imagination. L’un sans l’autre est incomplet : la rigueur établit la vérité, l’imagination en suscite le désir. Fontenelle a ouvert la voie à cette alliance féconde, en faisant des sciences une source d’émerveillement autant qu’une école de raison.
Cette question reste d’une actualité brûlante. À l’heure où la vulgarisation scientifique passe par les médias, les documentaires ou Internet, les chercheurs doivent trouver le juste équilibre entre rigueur et séduction. Si la séduction l’emporte, on tombe dans le sensationnel ; si la rigueur seule domine, on risque l’ennui et le désintérêt. Le défi de Fontenelle demeure le nôtre : faire aimer la science sans jamais la trahir.

Si tu étudies les Entretiens sur la pluralité des mondes de Fontenelle
" Le goût de la science ", tu peux aussi consulter :
1. Référence philosophique (Descartes)
- René Descartes, Discours de la méthode, 1637, Première partie.
- Dans ce texte fondateur de la rationalité moderne, Descartes affirme qu’il faut « ne recevoir jamais aucune chose pour vraie que je ne la connusse évidemment être telle », rappelant que la science repose avant tout sur la clarté et la rigueur démonstrative.
2. Référence scientifique (Newton)
- Isaac Newton, Philosophiae Naturalis Principia Mathematica, 1687.
- Dans la Préface et les Règles pour philosopher, Newton insiste : « Hypotheses non fingo » (« Je ne forge pas d’hypothèses »), signifiant que la science doit se limiter à des démonstrations appuyées sur des faits, sans céder à l’imaginaire.
3. Référence contemporaine (Hubert Reeves)
- Hubert Reeves, Patience dans l’azur. L’évolution cosmique, 1981.
- Astrophysicien et vulgarisateur, Reeves rappelle que la science peut s’exprimer dans une langue poétique : « La rigueur des concepts n’empêche pas la poésie du cosmos. » Il illustre ainsi la nécessaire alliance entre rationalité et émerveillement.
Ces trois notes montrent la continuité entre :
- le XVIIᵉ siècle (Descartes, Newton, Fontenelle),
- les Lumières (vulgarisation, goût de la science),
- le contemporain (Reeves, Klein…).