Epreuve : Bac Général
Matière : Français
Classe : Première
Centre : Antilles Guyane
Date : vendredi 13 juin 2025
Durée : 4h
Les sujets du bac de français 2025
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- Le commentaire
- Les dissertations
La poésie
Commentaire
Tout m’ennuie aujourd’hui. J’écarte mon rideau,
En haut ciel gris rayé d’une éternelle pluie,
En bas la rue où dans une brume de suie
Des ombres vont, glissant parmi les flaques d’eau.
Je regarde sans voir fouillant mon vieux cerveau,
Et machinalement sur la vitre ternie
Je fais du bout du doigt de la calligraphie.
Bah ! sortons, je verrai peut-être du nouveau.
Pas de livres parus. Passants bêtes. Personne.
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Des fiacres, de la boue, et l’averse toujours…
Puis le soir et le gaz et je rentre à pas lourds…
Je mange, et bâille, et lis, rien ne me passionne…
Bah ! Couchons-nous. – Minuit. Une heure. Ah ! chacun dort !
Seul, je ne puis dormir et je m’ennuie encor.
Laforgue, Spleen
Dissertations : le roman
Dissertation 1
L'abbé Prévost Manon Lescaut en lien avec le parcours bac " Personnages en marge, plaisirs du romanesque "
À la lecture de Manon Lescaut, un critique a pu écrire :
« Ce sont des êtres charmants qui dupent et qui détroussent. Qui ? Ma foi, je m’en moque et je m’embarque sur les mauvais chemins avec eux. »
Dans quelle mesure ce propos éclaire-t-il votre lecture du roman ?
Dissertation 2
La Peau de chagrin de Balzac, en lien avec le parcours « Les romans de l'énergie : création et destruction ».
Élan créateur, désir destructeur : quelle source d’énergie vous semble principalement à l’œuvre dans La Peau de chagrin ?
Dissertation 3
Sido et Les Vrilles de la vigne de Colette, en lien avec le parcours " Célébration du monde ".
Le dernier époux de Colette évoque ainsi l’auteure :
« Sa prise de contact avec les choses se faisait par tous les sens. Elle ne se contentait pas de les regarder, il fallait qu’elle les flairât, qu’elle les goûtât. »
Dans quelle mesure ce rapport au monde de Colette se manifeste-t-il dans Sido et Les Vrilles de la vigne ?
Commentaire
À la fin du XIXᵉ siècle, plusieurs poètes expriment un profond malaise existentiel à travers le motif du « spleen », ce sentiment d’ennui profond et de désenchantement face à la vie moderne. Inspiré par Baudelaire, mais aussi influencé par le symbolisme et les débuts de la modernité, Jules Laforgue en donne une version personnelle, teintée d'ironie et de prosaïsme.
Jules Laforgue, poète à la croisée du symbolisme et du modernisme naissant, développe une poésie à la fois mélancolique et décalée. Dans le recueil Premiers poèmes (1880), il écrit Spleen, un poème où le moi lyrique semble pris dans une journée morne et absurde, entre ennui, solitude et vacuité.
Le poème, en vers libres, se déploie comme le récit d’une journée sans relief. L’observation du monde extérieur — terne et gris — s’accompagne d’une introspection vaine. Le locuteur s’abandonne à une suite de gestes mécaniques et de pensées vides, jusqu’au constat final d’un ennui insondable.
Problématique :
Comment Jules Laforgue exprime-t-il, dans ce poème, un sentiment profond d’ennui existentiel lié à la modernité et à la solitude ?
I. L’expression poétique d’un malaise profond
A. Un regard désabusé sur le monde extérieur
L’ouverture du poème installe immédiatement une ambiance morose : « Tout m’ennuie aujourd’hui » (v.1), affirmation d’un spleen personnel.
Le cadre est urbain, gris, froid : « ciel gris », « brume de suie », « flaques d’eau » (v.2-4), renforçant une vision terne et déprimée.
Le monde est privé de vie véritable : « Des ombres vont » (v.4), image fantomatique, impersonnelle.
Citation clé : « En haut ciel gris rayé d’une éternelle pluie » → monotonie climatique symbolisant la mélancolie.
B. Un moi intérieur vide, désorienté
Le poète ne parvient pas à mobiliser son esprit : « je regarde sans voir », « mon vieux cerveau » (v.5), métaphores d’un esprit fatigué.
L’écriture devient geste automatique, vain : « je fais du bout du doigt de la calligraphie » (v.7), geste dérisoire.
Le spleen devient obstacle à toute concentration ou élan vital.
Citation : « Je regarde sans voir fouillant mon vieux cerveau » → incapacité à penser ou créer.
C. Une journée sans relief, entre attente et lassitude
L’ennui s’étend à l’ensemble de la journée : « Puis le soir et le gaz et je rentre à pas lourds… » (v.12), rythme lent, accablé.
Le poème se termine sur l’insomnie et le désespoir : « Seul, je ne puis dormir et je m’ennuie encor » (v.16), boucle du spleen.
Structure cyclique du texte (matin/soir/nuit) sans échappatoire.
Citation : « Bah ! Couchons-nous. — Minuit. Une heure. Ah ! chacun dort ! » → solitude absolue, rythmée par l’horloge nocturne.
II. Une vision moderne et urbaine du spleen
A. Une ville impersonnelle et hostile
Le décor est urbain : « la rue », « fiacres », « gaz » (v.3, 10, 12), représentatif de la vie moderne.
La ville est décrite comme sale, humide, froide : « brume de suie », « boue », « averse toujours ».
L’individu ne s’y reconnaît plus : « Passants bêtes. Personne. » (v.10), impression de foule vide de sens.
Citation : « Des fiacres, de la boue, et l’averse toujours… » → environnement oppressant.
B. La routine du citadin désenchanté
Les gestes du quotidien deviennent mécaniques : « Je mange, et bâille, et lis » (v.13), accumulation monotone.
Aucune activité n’apporte de satisfaction : « rien ne me passionne » (v.13).
Le temps s’étire sans finalité, avec une régularité désespérante.
Citation : « Bah ! Couchons-nous. » → repli passif, fuite.
C. L’expression poétique du mal-être moderne
Le poème mêle langage familier (« Bah ! ») et images symboliques.
Le vers libre et le rejet (« Je mange, et bâille, et lis… ») traduisent l’éparpillement de l’esprit.
Le spleen est inscrit dans le quotidien, non dans le tragique romantique.
Citation : « Je fais du bout du doigt de la calligraphie » → forme d’écriture désenchantée, presque absurde.
III. Une voix poétique singulière : l’ironie désabusée
A. Une lucidité teintée de dérision
Le poète rit presque de lui-même : « Bah ! sortons », « Bah ! Couchons-nous » (v.8, 14), interjections ironiques.
La banalité de l’ennui devient sujet poétique : il ne cache rien, ne sublime rien.
Il y a un refus d’idéaliser.
Citation : « Je rentre à pas lourds… » → poids de l’existence, accepté sans grandiloquence.
B. Un anti-héros moderne
Contrairement au romantique exalté, Laforgue peint un sujet apathique.
Il ne se révolte pas : il subit, dans l’ironie et la fatigue.
Le poète est à la fois acteur et spectateur de son propre ennui.
Citation : « Seul, je ne puis dormir et je m’ennuie encor » → lassitude du moi moderne.
C. Une modernité poétique avant-gardiste
Laforgue annonce des esthétiques nouvelles : vers libres, ton parlé, rythme disloqué.
Le spleen devient motif prosaïque : on parle de pluie, de gaz, de vitres sales.
Cela prépare les modernités poétiques de Baudelaire à Apollinaire.
Citation : « la vitre ternie », « les passants bêtes » → langage quotidien devenu poétique.
Jules Laforgue parvient dans ce poème à capter l’essence du spleen moderne, en exprimant un profond mal-être personnel et social, dans une ville déshumanisée. À travers une voix poétique désabusée, parfois ironique, il fait de l’ennui quotidien une matière littéraire nouvelle.
Ouverture :
Ce spleen préfigure les inquiétudes du XXe siècle, chez des poètes comme Apollinaire ou Cendrars, qui poursuivront cette recherche d’une poésie du quotidien et de l’errance urbaine.
Dissertation 1
À la lecture de Manon Lescaut, un critique a pu écrire :
« Ce sont des êtres charmants qui dupent et qui détroussent. Qui ? Ma foi, je m’en moque et je m’embarque sur les mauvais chemins avec eux. »
Dans quelle mesure ce propos éclaire-t-il votre lecture du roman ?
Le roman du XVIIIe siècle a souvent pour vocation d’instruire tout en divertissant. Mais certains récits, à l’image de Manon Lescaut de l’abbé Prévost (1731), déroutent par leur ambiguïté morale : ils présentent des personnages séduisants, voire fascinants, qui transgressent les normes sociales et morales.
Dans Manon Lescaut, Des Grieux, jeune homme issu d’un milieu noble, abandonne sa carrière ecclésiastique par amour pour la belle Manon, une jeune fille de condition modeste. Tous deux plongent alors dans une série d'aventures passionnées, illégales et marginales, allant jusqu’à l'exil.
Un critique évoque des personnages « charmants » mais moralement douteux, affirmant que cela n’a pas d’importance puisqu’il se laisse volontiers entraîner sur leurs « mauvais chemins ». Cette remarque semble pointer la contradiction entre la séduction des héros et la gravité de leurs actes.
Dans quelle mesure cette citation rend-elle compte de l'ambiguïté morale et de l'attrait romanesque du roman de Prévost ? Comment peut-on concilier l'immoralité des actions de Des Grieux et Manon avec le plaisir de suivre leur histoire ?
Nous verrons d’abord comment ces personnages transgressent les normes et apparaissent moralement ambigus. Puis nous montrerons que leur charme et leur passion expliquent leur pouvoir de séduction. Enfin, nous verrons que cette ambivalence contribue à la richesse romanesque du récit.
I. Des personnages qui dupent, détroussent et transgressent les normes
A. Une marginalité sociale et morale
Des Grieux quitte le séminaire, ment à son père, renonce à toute vocation honorable.
Manon mène une vie frivole, accepte les faveurs d’hommes riches pour survivre.
Tous deux vivent hors des cadres de la société d’Ancien Régime (valeurs de famille, religion, honneur).
« Je m’attachai à elle comme un homme qui n’a plus rien à perdre » : Des Grieux se place lui-même en marge.
B. La pratique du mensonge et du vol
Ils escroquent (notamment Tiberge), utilisent de faux noms, usurpent des identités.
Des Grieux joue, triche, participe à des escroqueries ; Manon l’encourage parfois.
« J’étais prêt à tout pour conserver Manon » : il justifie ses fautes par l’amour.
C. Une chute sociale
Tous deux finissent bannis, exilés en Louisiane.
Leur parcours est celui d’une déchéance : trahison, pauvreté, prison, exil, mort.
« L’amour a fait de moi un monstre d’ingratitude, de lâcheté et de folie » : Des Grieux se condamne lui-même.
II. Des êtres « charmants » qui séduisent le lecteur
A. Le pouvoir de séduction de Manon
Beauté exceptionnelle, charme irrésistible.
Ambivalence : est-elle sincère ou manipulatrice ?
Des Grieux la voit toujours comme victime : « une innocence séduisante ».
« Elle avait cet air naïf et doux qui efface tous les torts ».
B. La sincérité et l’intensité de Des Grieux
Malgré ses fautes, il aime sincèrement.
Sa voix narrative emporte le lecteur dans ses émotions.
Il suscite la compassion par sa douleur, surtout à la mort de Manon.
« Je l’aimais plus que la vie… », « Je ne vivais que pour elle ».
C. L'identification et la fascination du lecteur
Le roman capte par le ton de la confession, la tension entre amour et faute.
Le lecteur, comme le critique, est pris dans un dilemme moral.
On « s’embarque avec eux » malgré leurs fautes, car ils incarnent le désir, la liberté, la passion.
Le roman séduit par l’énergie du sentiment : on comprend que « je m’en moque et je m’embarque ».
III. Une ambivalence qui nourrit le plaisir romanesque
A. Le roman comme espace de transgression
Le roman permet de sortir du réel, d’explorer des choix interdits.
Des Grieux et Manon sont des figures romanesques : ils vivent des passions extrêmes.
Le lecteur vit par procuration cette intensité.
Comme dans La Princesse de Clèves (Mme de Lafayette) ou Le Rouge et le Noir (Stendhal), les passions sont aussi des failles.
B. Une critique implicite de la société
Prévost ne condamne pas frontalement ses personnages.
Il critique une société qui pousse à la corruption : Manon est aussi victime.
Le regard du narrateur Des Grieux mêle repentance et lucidité, ce qui nuance la morale.
« Qui pourra me reprocher d’avoir aimé ? » : plaidoyer en faveur de la passion.
C. Le charme tragique : une fin déchirante
La mort de Manon donne au récit une profondeur tragique.
Des Grieux est brisé, mais digne. Il reste seul, hanté par le souvenir.
Cela donne au roman une force émotionnelle durable.
« Je l’ensevelis de mes propres mains, je la pleurai sur sa tombe » : final pathétique.
L’assertion du critique reflète bien la manière dont Manon Lescaut fascine le lecteur malgré l’immoralité de ses héros. Ces personnages sont certes menteurs et voleurs, mais leur sincérité, leur charme et leur passion les rendent irrésistibles. C’est justement cette tension entre transgression et séduction qui fait tout le pouvoir romanesque de l’œuvre de Prévost.
Ouverture :
On retrouve ce même phénomène dans des romans modernes comme L’Écume des jours de Boris Vian ou L’Amant de Marguerite Duras : des personnages à la fois fragiles, troubles et attachants, qui donnent au récit sa richesse émotionnelle.
Dissertation 2
Sujet :
Élan créateur, désir destructeur : quelle source d’énergie vous semble principalement à l’œuvre dans La Peau de chagrin de Balzac ?
La littérature du XIXe siècle s’intéresse souvent aux passions humaines et à leur pouvoir moteur, qu’il s’agisse de construire ou de détruire. Dans La Peau de chagrin, roman philosophique et fantastique de Balzac publié en 1831, cette problématique est au cœur de l’intrigue.
Le jeune Raphaël de Valentin, au bord du suicide, entre en possession d’un talisman magique : une peau de chagrin qui exauce tous ses désirs mais rétrécit à chaque souhait, raccourcissant sa vie. Cette métaphore illustre la tension entre le désir de vivre intensément et l’inéluctable destruction qui en découle.
Ce roman met en jeu deux forces opposées : l’élan créateur, qui pousse à l’action, à l’invention, à l’ambition, et le désir destructeur, qui consume, épuise et conduit à la mort. Quelle de ces deux énergies prédomine dans La Peau de chagrin ?
L’énigme posée par le talisman renvoie à une question existentielle : est-ce le désir, par essence, qui détruit, ou est-ce la volonté de créer, de penser et d’aimer, qui donne sens à l’existence ? Quelle force anime le plus profondément le roman de Balzac ?
Nous verrons d’abord comment le roman explore la puissance du désir comme moteur de destruction, puis nous analyserons les forces créatrices à l’œuvre chez Raphaël, avant de montrer que l’œuvre repose sur une dialectique constante entre création et destruction.
I. Le désir destructeur : moteur tragique du roman
A. Le talisman : symbole du désir consumant
Le pacte du début : chaque désir comblé fait rétrécir la peau.
La peau est une métaphore du temps de vie limité.
La formule gravée (« Si tu me possèdes, tu posséderas tout… ») illustre l’irrésistible tentation du pouvoir.
« Meurs donc ou veux, il faut choisir » : la logique du talisman est destructrice.
B. L’avidité du monde moderne
Le désir de richesse, de gloire, de pouvoir anime les personnages.
Raphaël est happé par Paris, ses plaisirs, ses tentations.
La société est décrite comme un tourbillon matérialiste.
Le salon de Taillefer incarne la bourgeoisie triomphante et cupide.
C. L’amour et le plaisir : passions fatales
Raphaël est détruit par son amour pour Foedora, femme froide et inaccessible.
Sa liaison avec Pauline, plus pure, devient elle aussi destructrice car trop passionnée.
L’intensité du plaisir épuise l’énergie vitale.
« À chaque caresse, je sentais la mort me mordre au cœur » : désir et destruction sont liés.
II. Un élan créateur présent mais entravé
A. L’intelligence et le savoir : des puissances vitales
Raphaël est un érudit, passionné de sciences, de littérature, de philosophie.
Dans sa jeunesse, il veut comprendre le monde, agir sur lui.
Il incarne l’idéal romantique du génie créateur.
L’encyclopédie qu’il écrit au début (« La Théorie de la volonté ») témoigne de cette ambition intellectuelle.
B. L’amour de Pauline : une énergie lumineuse
Pauline incarne la force de l’amour désintéressé.
Elle veut sauver Raphaël par l’amour vrai.
Leur relation aurait pu être une voie de salut, une renaissance possible.
« Elle me donnait la vie par son regard » : Pauline symbolise la vie, par opposition à Foedora.
C. Le désir de création artistique
Raphaël rêve d’être écrivain, poète, penseur.
Il admire les figures créatrices du passé, comme Byron ou Rousseau.
Le roman célèbre aussi le pouvoir de la fiction.
Balzac lui-même montre la puissance du roman comme miroir de la condition humaine.
III. Un roman fondé sur la tension entre création et destruction
A. Une dialectique balzacienne
Raphaël est écartelé entre deux pôles : sagesse et jouissance, Pauline et Foedora.
Le roman met en scène le drame de l’âme humaine : créer ou consommer ?
Toute création semble menacée par la finitude.
La peau de chagrin illustre cette tension : vouloir, c’est renoncer à durer.
B. Une réflexion sur la condition humaine
Le roman propose une méditation philosophique sur le temps, la liberté, la mort.
Le désir est inévitable, mais son intensité tue.
L’élan vital est à la fois exaltant et tragique.
« Vivre avec intensité, c’est mourir plus vite » : c’est la leçon du roman.
C. Une énergie romanesque paradoxale
Le roman lui-même est traversé par une énergie narrative fulgurante.
Le fantastique, le lyrisme, le réalisme s’entrelacent.
Le plaisir du lecteur naît de ce mélange entre beauté et fatalité.
La Peau de chagrin est une œuvre d’une immense vitalité, même si elle traite de la mort.
Dans La Peau de chagrin, le désir destructeur est sans doute l’énergie dominante : c’est lui qui guide l’intrigue, consume le héros et précipite sa fin. Pourtant, Balzac ne se contente pas de le condamner : il oppose à cette force une autre, plus noble et fragile, celle de l’élan créateur, qui passe par l’amour, la pensée, l’art. C’est dans la tension entre ces deux énergies que réside la puissance du roman.
Ouverture :
Ce dilemme reste actuel : nos sociétés modernes, consuméristes et technologiques, continuent de poser la question du rapport entre désir, bonheur et autodestruction — comme l’illustrent des œuvres contemporaines telles que Fight Club de Chuck Palahniuk ou L’écume des jours de Boris Vian.
Dissertation 3
Sujet :
Le dernier époux de Colette évoque ainsi l’auteure :
« Sa prise de contact avec les choses se faisait par tous les sens. Elle ne se contentait pas de les regarder, il fallait qu’elle les flairât, qu’elle les goûtât. »
Dans quelle mesure ce rapport au monde de Colette se manifeste-t-il dans Sido et Les Vrilles de la vigne ?
Dans la littérature, la sensibilité ne se réduit pas aux émotions abstraites ; elle s’incarne aussi dans la perception sensorielle, dans une manière d’habiter le monde par le corps, les sensations, les odeurs, les goûts. L’œuvre de Colette en est un exemple éclatant.
Dans Sido (1930) et Les Vrilles de la vigne (1908), deux recueils d’inspiration autobiographique, Colette exprime son rapport au monde à travers des souvenirs d’enfance, des portraits de proches, des rêveries. Ces textes mêlent tendresse, sensualité et contemplation.
Son dernier époux souligne que Colette était une femme de sensation autant que de vision, en quête d’une communion totale avec le monde. Dans quelle mesure cette approche sensorielle et instinctive de la réalité se manifeste-t-elle dans Sido et Les Vrilles de la vigne ?
Comment Colette donne-t-elle à voir, entendre, toucher, goûter et ressentir le monde dans ses textes ? Et en quoi cette perception multisensorielle révèle-t-elle une sensibilité littéraire singulière ?
Nous verrons d’abord comment Colette célèbre le monde sensible à travers ses cinq sens, puis comment cette sensibilité traduit un rapport intime à la nature et à l’enfance, avant de montrer qu’elle est aussi le fondement d’une écriture sensorielle et poétique.
I. Une perception du monde fondée sur les cinq sens
A. La vue : la couleur et les formes comme langage
Des descriptions visuelles extrêmement précises : formes, couleurs, mouvements.
La nature est décrite comme un tableau vivant.
Sido regorge de portraits lumineux, comme celui de la mère : « Elle portait le bleu comme un étendard ».
La campagne de Saint-Sauveur devient un monde chatoyant, presque pictural.
B. L’odorat et le goût : une sensualité gourmande
Nombreuses évocations d’odeurs : herbe coupée, pluie, corps, cuisine.
Le goût est aussi très présent : Colette évoque des plats, des fruits, le plaisir de manger.
Ces sensations réveillent la mémoire (cf. effet proustien).
« L’odeur des roses fanées », « le goût d’un fruit m’éclata dans la bouche ».
C. Le toucher et l’ouïe : un rapport charnel et vibrant
Le toucher : texture des étoffes, contact des peaux, caresses, terre humide.
L’ouïe : chant des oiseaux, bruissement des feuilles, silence aussi.
Elle capte les moindres sons du jardin ou de la maison.
« J’entendais son pas, il était fait d’air et de silence » : musicalité du monde.
II. Une sensibilité enracinée dans l’enfance, la nature, les êtres aimés
A. L’enfance comme paradis sensoriel
L’enfance est le moment où les sens sont vifs, spontanés.
Colette se souvient de ses jeux, des animaux, de la nature comme d’un monde enchanté.
Le souvenir sensoriel devient moteur du récit.
« Ce matin-là, l’odeur de l’encre me rendit ma jeunesse » : une mémoire incarnée.
B. La nature comme espace d’harmonie sensible
La campagne bourguignonne est omniprésente.
Fusion avec les saisons, les fleurs, les bêtes, les arbres.
Le monde naturel est vécu comme un organisme vivant et familier.
« J’aimais les plantes comme des sœurs » : communion affective avec le monde.
C. La sensualité comme relation aux autres
L’amour, les corps, les gestes tendres sont liés au contact physique.
Dans Les Vrilles de la vigne, des récits d’amour féminins s’expriment à travers les sensations.
Le plaisir est souvent évoqué à travers le frisson, la chaleur, la douceur.
« Elle me frôlait comme un chat qui se donne » : la sensualité passe par les images du vivant.
III. Une écriture organique et poétique fondée sur les sensations
A. Un style charnel et évocateur
Colette n’analyse pas : elle montre, elle fait sentir.
Les métaphores sont souvent concrètes, enracinées dans le corps, les sensations.
Elle crée un langage propre à la matière.
« Sa voix avait un goût de menthe et de sel » : alliance rare entre sens et mots.
B. Le fragment comme forme d’écriture sensible
Les textes ne suivent pas une intrigue classique : ce sont des instantanés.
Écriture impressionniste, liée à l’instant vécu ou revécu.
Chaque fragment est un éclat de sensation.
Les Vrilles de la vigne : des récits très courts, des tableaux sensoriels.
C. La subjectivité comme filtre poétique
Le monde est toujours perçu à travers le prisme intime de la narratrice.
Colette revendique une subjectivité forte : c’est son regard, son ressenti.
Cette voix personnelle donne à l’écriture sa chaleur, sa vérité.
Elle parle de « mes souvenirs vivants, mes sensations inaltérées » : sincérité de l’écriture.
L'observation de son époux s’avère tout à fait juste : dans Sido et Les Vrilles de la vigne, Colette donne à sentir, goûter, toucher et entendre le monde. Cette approche sensorielle fait d’elle une autrice profondément enracinée dans la vie, les corps, les choses simples. Sa sensibilité se traduit par une écriture organique, vibrante, qui capte l’intensité du vécu à travers les moindres détails du réel.
Ouverture :
Cette sensibilité unique rapproche Colette d’autres écrivains comme Marcel Proust ou Francis Ponge, qui eux aussi explorent les richesses du monde sensible pour en tirer une vision singulière du monde.
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Commentaire de texte :
Le roman et le récit du Moyen Age au XXIe siècle.
Jorge Semprun, Le grand voyage (1963). Jorge Semprun, résistant pendant la Seconde Guerre mondiale, est arrêté par la Gestapo. Il raconte le long trajet en train qui doit le conduire dans le camp de concentration de Buchenwald.
Dissertation
- sujet A :
- Molière, Le Malade imaginaire.
- Le spectacle, dans Le Malade imaginaire, n'est-il assuré que par le comique ?
- sujet B :
- Marivaux, Les Fausses Confidences.
- Selon un critique, Marivaux, dans Les Fausses Confidences, offre aux spectateurs "le plaisir raffiné de n'être jamais dupes", c’est-à-dire de n'être jamais trompés. Dans quelle mesure cette réflexion éclaire-t-elle votre lecture des Fausses Confidences ?
- sujet C :
- Jean-Luc Lagarce, Juste la fin du monde.
- Selon vous, parvient-on, dans Juste la fin du monde, à comprendre les crises qui traversent la pièce?
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Commentaire de texte :
1- Commentaire (20 points)
Objet d’étude : La poésie du XIXe siècle au XXIe siècle
Alfred de Vigny, Poèmes antiques et modernes (1828)
« La Frégate La Sérieuse ou la Plainte du Capitaine »
Dissertation (20 points)
Objet d’étude : La littérature d’idées du XVIe siècle au XVIIIe siècle
Le candidat traite au choix, compte tenu de l’oeuvre et du parcours associé étudiés durant l’année, l’un des trois sujets suivants :
A. OEuvre : Rabelais, Gargantua
Parcours : Rire et savoir
Rabelais, dans le « Prologue » de Gargantua, évoque les Silènes, boîtes décorées « à plaisir pour exciter le monde à rire » mais contenant diverses « choses précieuses ». En quoi cette image éclaire-t-elle votre lecture de Gargantua ?
Vous répondrez dans un développement organisé. Votre réflexion prendra appui sur l’oeuvre de Rabelais au programme, sur le travail mené dans le cadre du parcours associé et sur votre culture littéraire.
B. OEuvre : La Bruyère, Les Caractères
Parcours : La comédie sociale
En quoi, dans les livres V à X des Caractères, l’art de la mise en scène sert-il le projet du moraliste ?
Vous répondrez dans un développement organisé. Votre réflexion prendra appui sur l’oeuvre de La Bruyère au programme, sur le travail mené dans le cadre du parcours associé et sur votre culture littéraire.
C. OEuvre : Olympe de Gouges, Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne
Parcours : Écrire et combattre pour l’égalité
Lors de sa défense devant le tribunal révolutionnaire en 1793, Olympe de Gouges déclare qu’elle s’est « frayé une route nouvelle ». Comment cette affirmation éclaire-t-elle votre lecture de la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne ?