Epreuve : Bac technologique
Matière : Français
Classe : Première
Centre : Asie pacifique
Date : vendredi 13 juin 2025
Durée : 4h
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- Commentaire de texte
- Contraction de texte et essai
Commentaire
Huysmans te plonge dans le château décrépit d’En rade en suivant Jacques, brusquement tiré d’un rêve par un cri. Ce passage narratif fait surgir, puis gonfler l’angoisse ; il finit par la désamorcer quand la « masse hurlante » se révèle être… un simple chat‑huant. Comment l’auteur orchestre‑t‑il cette montée d’inquiétude ? Et comment, ensuite, joue‑t‑il avec la peur pour mieux la tenir à distance ?
I. Une montée progressive de l’inquiétude et de l’effroi
Décor délabré et menaçant
Le couloir est « muet », les chambres « chancies », « sentant la tombe » : autant d’indices mortuaires qui installent le gothique (v. 3‑5).
Les bruits dominent : « craquait », « nouveaux craquements » (v. 1, 6). Ce lexique auditif, répété, assure un climat d’instabilité.
Focalisation interne et phrases longues
On voit tout par les yeux de Jacques : « il se retournait », « il repassa », « il s’énervait »… La crainte naît de sa propre subjectivité.
Les longues périodes accumulent les compléments ; les participes présents (« se pulvérisant », v. 4) étirent le temps et la tension.
Psychologie de la peur
Jacques nomme une « peur inattendue, atroce » (v. 11) : non pas un péril concret, mais l’« inconnu », « dans un désert noir ».
Tentatives de rationalisation inefficaces : « Il tenta de se raisonner, se moqua… » (v. 14) ; l’échec redouble le malaise.
Crescendo dramatique
Entrée dans l’escalier : la menace se fait « quelque chose d’énorme » (v. 23).
La bougie vacille : signal cinématographique annonçant l’attaque.
Tout culmine dans le cri strident (v. 27) : point d’orgue de la terreur.
II. Un texte qui joue avec la peur pour la mettre à distance
Renversement brutal : le vrai visage de la « masse »
Après l’affrontement épique (verbes d’escrime : « piquer », « couper », « taper », v. 32‑34), la révélation : « un énorme chat‑huant » (v. 35).
Effet de basculement tragico‑burlesque : le monstre n’était qu’un oiseau.
Ironie narrative
Huysmans exagère les métaphores guerrières (« régiment » de craquements, « ventilant » la cage de l’escalier) pour que la disproportion avec le hibou apparaisse ensuite comique.
L’expressivité des verbes (« cingler à toute volée », v. 25‑27) contraste avec la petitesse du « cadavre » final.
Critique de l’imaginaire gothique
Jacques convoque lui‑même « le château hanté », « des idées folles » (v. 14‑16) ; Huysmans le laisse s’enfermer dans ses clichés pour mieux les réfuter.
La description initiale parodie les romans noirs ; la chute signale que ces peurs sont des constructions mentales.
Retour à la lucidité
Ultime verbe : « regarda, stupide » (v. 35) : Jacques revient au réel, humilié par son affolement.
Le lecteur, libéré, peut relire rétrospectivement toute la scène comme un exercice de style sur la hantise.
Huysmans orchestre d’abord une progression sensorielle et psychologique vers l’effroi : bruits, obscurité, décor funèbre, focalisation interne. Mais cette peur culmine sur un dénouement dérisoire qui en révèle la vanité. Le texte devient ainsi une mise en abyme : il montre la facilité avec laquelle l’imagination se fabrique des spectres, et, en même temps, délivre le lecteur par un éclatant retournement ironique.
Contraction de texte et essai 1
La parole doit être repensée : il faut en saisir la puissance et imaginer de nouveaux modes d’échange capables de construire au lieu de détruire. [50]
Ni laisser dire tout, ni censurer : il faut inventer une parole libre mais régulée, qui évite la haine sans étouffer la créativité. L’école joue un rôle décisif. [100]
Dès la maternelle, les enfants doivent acquérir un vocabulaire riche, la capacité d’exprimer idées et émotions, et la confiance pour dialoguer. Ce combat pour la parole, souvent défendu par le linguiste Alain Bentolila, est trop peu appliqué. [150]
Le véritable enjeu n’est pas scolaire mais humain : un enfant privé de mots perd l’accès au monde. La parole n’est pas faite pour conforter les semblables mais pour dialoguer avec les autres, même ceux qu’on n’aime pas. Il faut réduire les inégalités de langage, car la pauvreté verbale engendre la violence. Restaurer le sens et la grandeur de la parole à l’école est donc urgent et nécessaire. [184]
Nombre de mots : 184
Sujet : Est-il essentiel d’apprendre à échanger dans une bonne éducation ?
Dans Gargantua, Rabelais imagine un idéal éducatif humaniste où l’épanouissement de l’esprit et du corps va de pair avec l’apprentissage du vivre-ensemble. L’échange, sous toutes ses formes – débat, discussion, dialogue – y occupe une place centrale. Plus de quatre siècles plus tard, Monique Atlan et Roger-Pol Droit insistent à leur tour, dans Quand la parole détruit, sur l’importance cruciale d’une parole partagée, capable de construire le lien social. Dès lors, on peut s’interroger : apprendre à échanger est-il une composante essentielle d’une bonne éducation ? Nous verrons d’abord que la capacité à échanger constitue un pilier fondamental de toute formation humaine et intellectuelle. Nous verrons ensuite que, sans cette aptitude, l’éducation devient incomplète, voire dangereuse. Enfin, nous montrerons qu’apprendre à échanger, c’est aussi apprendre à faire société.
I. Échanger, un fondement de l’éducation humaniste
Rabelais, dans Gargantua, rejette les méthodes d’enseignement médiévales fondées sur la répétition stérile et l’autorité. Il valorise au contraire une pédagogie fondée sur la parole vivante et le dialogue, notamment à travers l’éducation que Gargantua reçoit de Ponocrates. L’enfant apprend en s’interrogeant, en s’exerçant à raisonner, à écouter, à discuter. L’échange est le cœur de l’éducation : « science sans conscience n’est que ruine de l’âme », dit Rabelais, et cette conscience s’aiguise dans le dialogue.
De même, Atlan et Droit rappellent que la parole ne se limite pas à un outil de communication ; elle est la condition d’une véritable humanité. Ils appellent à une « éducation fondatrice » de la parole dès l’école maternelle, pour que chaque enfant puisse exprimer ses idées et écouter celles des autres. Cette vision rejoint pleinement celle de l’humanisme de la Renaissance, qui place l’homme au centre, capable de penser par lui-même dans le respect des autres.
II. L’absence d’échange rend l’éducation incomplète, voire dangereuse
L’éducation sans apprentissage de la parole échouera à former des citoyens libres. Les auteurs du texte rappellent avec force que l’enfant dépourvu de mots pour s’exprimer risque l’échec scolaire, mais surtout l’exclusion sociale. Sans vocabulaire suffisant, il ne peut ni comprendre, ni convaincre, ni se faire entendre : la violence, alors, supplée à la parole manquante.
Cette idée trouve un écho chez les philosophes des Lumières. Rousseau, dans Émile ou De l’éducation, insiste sur le développement de l’esprit critique, de la capacité à dialoguer et à débattre. Apprendre à échanger, c’est apprendre à penser, à se confronter aux idées d’autrui sans les rejeter d’emblée. Une éducation qui ne développe pas ces compétences peut mener à l’intolérance ou au fanatisme, comme le dénonce Voltaire dans ses Lettres philosophiques ou son Traité sur la tolérance.
III. Échanger, c’est apprendre à vivre avec les autres
Apprendre à échanger est aussi un apprentissage de la démocratie. Atlan et Droit rappellent que la langue n’est pas faite pour parler à ceux qui nous ressemblent, mais à ceux qui ne pensent pas comme nous. Il ne s’agit pas seulement de politesse ou de débat intellectuel, mais de la capacité à créer du lien social, à construire une société plus juste.
Dans la pensée des Lumières, Diderot, par exemple, dans L’Encyclopédie, fait du dialogue un mode d’accès au savoir. L’échange est un instrument de progrès collectif. L’éducation doit donc apprendre à débattre, à argumenter, à écouter. En ce sens, l’école ne doit pas seulement transmettre des connaissances, mais aussi former des individus capables d’exercer leur liberté dans le respect des autres.
Ainsi, apprendre à échanger est une composante essentielle d’une bonne éducation. Chez Rabelais, l’échange est au cœur de la pédagogie humaniste ; chez les penseurs modernes, il est un outil d’humanisation et de démocratisation. Dans un monde traversé par la violence verbale et l’exclusion, former à la parole, au dialogue, à l’écoute devient une urgence éducative et politique. C’est à travers l’échange que l’individu devient citoyen, et l’éducation, une œuvre de civilisation.
Contraction de texte et essai 2
Les Caractères de Théophraste, élève d’Aristote, et de La Bruyère, publié en 1688, ont marqué la réflexion sur la nature humaine. Pourtant, la philosophie moderne s’en désintéresse, trouvant le caractère trop vague pour en faire un concept rigoureux (50). Frédéric Spinhirny parle d’une « figuration impressionniste », un socio-type caricatural que l’humour, comme celui de Lison Daniel, amplifie. Le caractère est une réduction concentrée d’un tempérament, une figure marquante que chacun croit connaître (100). Théophraste distinguait déjà plus de vingt types de caractères, classés en familles : bavards, avares, flatteurs, orgueilleux... La Bruyère poursuit cette satire du XVIIe siècle, peignant avec finesse la condition humaine, admiré par Zola et Barthes (150). Après lui, la philosophie a laissé place à la psychologie, délaissant les caractères jugés trop instables. Pourtant, selon Spinhirny, le caractère n’est pas qu’une humeur passagère ; il structure notre façon d’agir et d’interagir. Il reste un réflexe, proche de l’inconscient, façonnant nos choix, même s’il ne réduit pas l’homme à un « animal prévisible » (192).
Nombre de mots : 192.
Peut-on échapper à la simplification et à la caricature lorsqu’on peint les hommes et leurs comportements ?
Introduction
Présentation du sujet : peindre les hommes, un exercice délicat entre vérité et réduction.
Référence aux Caractères de La Bruyère et au texte de Jean-Marie Durand qui soulignent la tension entre observation fine et simplification.
Problématique : peut-on vraiment représenter la complexité humaine sans tomber dans la caricature ?
Annonce du plan.
I. La tendance à la simplification et à la caricature dans la peinture des hommes
La tradition de La Bruyère, héritée de Théophraste, fondée sur des portraits caricaturaux pour mieux saisir les défauts humains (exemples de traits écrasants, maximes satiriques).
Le caractère comme « réduction serrée » d’un tempérament, une figure facilement identifiable et comique, comme le souligne Jean-Marie Durand.
La force de la caricature : elle frappe par son impact, sa mémorabilité et son pouvoir critique.
Exemple d’œuvres du XVIIe siècle : Molière et ses personnages types (Tartuffe, Alceste).
II. La volonté d’une observation fine et nuancée : échapper à la simplification
La Bruyère lui-même, malgré la satire, observe « sans parti pris », cherchant une vérité humaine complexe (cf. citation de Zola sur sa finesse).
Roland Barthes souligne que La Bruyère parle « de tout l’homme », donc au-delà des simples stéréotypes.
La nuance dans les Caractères : pas seulement moquerie, mais aussi réflexion morale et éthique.
Aujourd’hui, certains comme Lison Daniel prolongent cette tradition avec humour tout en gardant une distance critique.
La philosophie moderne et la psychologie cherchent à dépasser les clichés par des analyses plus profondes, même si elles abandonnent le terme « caractère ».
III. La représentation humaine entre nécessité de simplification et richesse de la complexité
La tension inévitable entre simplification, pour rendre accessible et frappant le portrait, et la complexité réelle des comportements humains.
La caricature comme outil pour faire passer un message social ou moral, mais toujours avec le risque de déformer.
La valeur esthétique et critique de la caricature dans la littérature d’idées (exemple de Voltaire, La Fontaine, Rabelais).
L’importance de la distance critique et de la conscience du procédé pour éviter la réduction abusive.
La modernité et la pluralité des approches artistiques et littéraires, qui permettent d’embrasser la diversité humaine sans figer les caractères.
Conclusion
Synthèse : Peindre les hommes sans simplification totale est un idéal difficile mais non impossible.
La caricature reste un outil puissant mais qui doit s’accompagner d’une distance critique et d’une volonté de nuance.
L’étude des Caractères montre que la peinture des hommes mêle inévitablement simplification et complexité, reflet d’une nature humaine multiple.
Ouverture : cette tension est toujours actuelle, dans les médias, la littérature, et même l’intelligence artificielle qui tente de « caricaturer » des comportements humains.
Essai complet
Peut-on échapper à la simplification et à la caricature lorsqu’on peint les hommes et leurs comportements ? Cette question touche au cœur d’une longue tradition littéraire et philosophique qui cherche à saisir la nature humaine dans toute sa complexité. Les Caractères de La Bruyère, prolongement satirique des typologies de Théophraste, offrent une réflexion exemplaire sur ce défi. Jean-Marie Durand, dans son analyse récente, souligne l’ambivalence du caractère : à la fois une « figuration impressionniste » et une forme de réduction caricaturale, un « socio-type bourré de clichés ». Dès lors, peut-on vraiment représenter l’homme sans le réduire à un stéréotype ?
D’un côté, la simplification et la caricature semblent inévitables lorsqu’on peint les hommes. La Bruyère lui-même, fidèle à l’héritage de Théophraste, présente des types moraux définis par quelques traits saillants, concentrant un tempérament en un portrait frappant. Cette méthode permet de saisir rapidement des défauts ou des travers humains, rendant la satire efficace et mémorable. Par exemple, Molière, contemporain de La Bruyère, crée des personnages comme Tartuffe ou Alceste, devenus emblématiques par leur caractère exagéré. Dans ce cadre, la caricature est un outil puissant de critique sociale, qui dévoile des vérités sur les mœurs de son temps. Jean-Marie Durand rappelle que ce procédé reste très présent aujourd’hui, notamment par l’humour qui joue avec ces figures stéréotypées pour provoquer le rire et la réflexion.
Pourtant, cette réduction ne signifie pas forcément une dénaturation totale. La Bruyère est aussi un observateur lucide et sans parti pris, comme le note Émile Zola, qui s’émerveillait de la finesse avec laquelle il « enseigne la vertu en peignant nos travers ». Roland Barthes souligne qu’il parle « de tout l’homme », ce qui suppose une approche globale et nuancée, dépassant la simple caricature. Cette attention fine aux détails et aux contradictions humaines confère une richesse et une profondeur au portrait. De même, certains artistes contemporains, comme Lison Daniel, prolongent cette tradition avec humour et distance critique, invitant à rire mais aussi à réfléchir sur les stéréotypes. Par ailleurs, la philosophie moderne et la psychologie, en s’intéressant à la personnalité et au comportement, tentent de dépasser les clichés pour comprendre la complexité des individus.
La représentation des hommes oscille donc entre la nécessité de simplifier pour être compréhensible et la richesse infinie de la nature humaine. La caricature est un moyen esthétique et critique efficace, mais elle comporte le risque de figer ou de déformer. Dans la littérature d’idées des XVIe au XVIIIe siècles, cette tension est manifeste : Voltaire, La Fontaine ou Rabelais utilisent la caricature pour dénoncer, tout en proposant une réflexion profonde sur les travers humains. Ce double regard, entre humour et sérieux, est essentiel pour ne pas tomber dans une vision réductrice. Aujourd’hui, cette ambivalence demeure, avec des formes nouvelles dans les médias, la littérature ou même l’intelligence artificielle, qui tente de modéliser les comportements humains souvent à travers des « caricatures » numériques.
En conclusion, échapper totalement à la simplification et à la caricature dans la peinture des hommes est un idéal difficile à atteindre. Cependant, en combinant distance critique, finesse d’observation et conscience du procédé, il est possible d’offrir des portraits à la fois frappants et riches, qui rendent justice à la complexité humaine. La tradition des Caractères montre que simplification et complexité ne s’excluent pas forcément, mais se complètent dans une tension féconde, toujours d’actualité.
Contraction de texte et essai 3
Je n’écris pas pour dire que le monde tel qu’il est me va, mais pour exprimer mon insatisfaction, que je cherche à ne pas oublier moi-même. Écrire est aussi un poids, une culpabilité d’être inactive ou privilégiée, comme le dit Sophie Divry : les écrivains exagèrent souvent la portée politique de leurs textes, croyant qu’une forme révolutionnaire entraîne un fond révolutionnaire. (50 mots)
Pourtant, Carlos Fuentes rappelle que dénoncer une injustice dans un roman ne sauve pas forcément les opprimés ni la littérature, qui doit allier exigences artistiques et civiques. Quand j’écris, je me vois tantôt en actrice engagée, tantôt en inutile. Cette oscillation me rend triste et dubitative. (100 mots)
Je doute parfois de l’utilité de l’écriture : « À quoi ça sert ? » Je ne sauve personne, ces heures semblent perdues. Mais écrire, ce n’est pas tout dans ma vie. Le pire est parfois la suspicion de profiter de la souffrance d’autrui pour ma reconnaissance, comme Romain Gary le souligne : l’inspiration tirée de la misère ne leur rend rien. (150 mots)
Cette ambivalence fait partie de mon engagement, mêlant désir d’action et conscience des limites de l’écriture. (192 mots)
L’écrivain a-t-il un rôle à jouer dans le combat pour l’égalité ? Vous développerez de manière organisée votre réponse à cette question, en prenant appuisur laDéclaration des droits de la femme et de la citoyenne (du « préambule » au« postambule ») d’Olympe de Gouges, sur le texte de l’exercice de la contraction (texted’Alice Zeniter) et sur ceux que vous avez étudiés dans l’année dans le cadre de l’objetd’étude « La littérature d’idées du XVIe siècle au XVIIIe siècle ». Vous pourrez aussi faireappel à vos lectures et à votre culture personnelle
Alice Zeniter s’interroge dans son texte : « À quoi ça sert, tout ça ? » (l.31), traduisant le doute sur l’efficacité de l’écriture engagée face aux injustices sociales. Pourtant, depuis le XVIe siècle, la littérature d’idées a constitué un puissant moyen de dénonciation et de revendication des droits. À travers la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne d’Olympe de Gouges, le témoignage contemporain d’Alice Zeniter et les textes classiques du XVIe au XVIIIe siècle, on peut examiner la fonction réelle et les limites du rôle de l’écrivain dans la lutte pour l’égalité.
I. La littérature : une arme d’engagement et de revendication
Au XVIIIe siècle, Olympe de Gouges s’empare du modèle révolutionnaire des Droits de l’homme pour écrire sa Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne (1791). En insérant explicitement les femmes dans le corps politique, elle dénonce les injustices sexistes et réclame leur pleine égalité : « La femme naît libre et demeure égale à l’homme en droits ». Son texte est un acte politique fort qui vise à « faire entendre la voix des femmes », longtemps réduites au silence. La littérature d’idées de cette époque pose ainsi la pierre d’une revendication collective, donnant un cadre à la critique sociale.
De même, les philosophes des Lumières comme Rousseau ou Voltaire ont souvent dénoncé les inégalités sociales et plaidé pour la raison, la justice et la liberté. Ces textes, diffusés largement, ont contribué à éveiller les consciences et à préparer les révolutions, démontrant que la parole écrite peut être un moteur de changement.
II. Les doutes et contradictions de l’écrivain engagé aujourd’hui
Cependant, Alice Zeniter exprime la complexité de cette fonction : elle oscille entre le sentiment d’utilité et celui d’impuissance. Elle écrit qu’elle « passe extrêmement rapidement du ‘Je n’ai pas pu écrire’ à ‘Écrire n’a aucun pouvoir’ » (l.29-30). Ce doute révèle la tension entre la volonté d’engagement et la conscience des limites de la littérature face à des réalités comme la guerre, la famine ou l’injustice.
Elle souligne aussi la tentation de l’écrivain « d’exagérer la portée politique de ses textes » (l.10), ce qui peut être une illusion : un roman dénonçant une oppression ne libère pas automatiquement les opprimés, comme le rappelle Carlos Fuentes cité par Zeniter. Cette prise de recul souligne que l’écriture seule ne suffit pas pour transformer le monde.
Enfin, Zeniter évoque une forme de culpabilité à « s’en nourrir » (l.44) – reconnaissance, droits d’auteur – tout en prétendant servir la cause des victimes. Ce paradoxe souligne la complexité morale de l’écrivain engagé, tiraillé entre ses ambitions, ses limites et la réalité.
III. Un rôle indirect mais essentiel : éveiller les consciences et soutenir le combat
Malgré ces doutes, l’écrivain joue un rôle fondamental : celui d’éveilleur de conscience. En posant des questions, en donnant voix aux invisibilisés, il nourrit la réflexion collective. La littérature d’idées a toujours eu cette fonction : faire progresser les débats sur les droits, la liberté et l’égalité, comme avec Montesquieu, Diderot ou Olympe de Gouges.
L’écriture participe ainsi à un mouvement culturel et social plus large, qui précède et accompagne les changements politiques. Par exemple, la Déclaration d’Olympe de Gouges, malgré son rejet et sa mort tragique, a inspiré plus tard les luttes féministes modernes.
Dans la société contemporaine, même si l’impact immédiat semble limité, l’écrivain continue de questionner les normes, d’ouvrir des espaces de liberté et de solidarité. C’est un « levain d’émancipation », comme le souligne Sophie Divry citée dans le texte de Zeniter, qui prépare les esprits à la justice.
L’écrivain a bien un rôle à jouer dans le combat pour l’égalité, non comme un acteur politique direct ou un sauveur, mais comme un passeur de voix, un critique lucide de l’ordre établi et un éclaireur de conscience. Si l’écriture ne sauve pas directement les victimes, elle est un outil indispensable de résistance et de transformation sociale, à condition de garder une conscience claire de ses limites et de ne pas tomber dans l’illusion d’un pouvoir absolu.
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Sujet officiel PDF
Commentaire de texte :
La poésie du XIXe siècle au XXIe siècle.
Alicia Gallienne, "Le tour du réverbère", Le Livre noir, L'autre moitié du songe m'appartient, 2020.
Contraction de texte et essai :
Sujet A :
Rabelais, Gargantua. Georges Vigarello, Le Corps redressé, 1978.
Libérer le corps permet-il de libérer l'esprit ?
Sujet B :
La Bruyère, Les Caractères. Adeline Wrona, "Le portrait, un genre médiatique ?".
Pensez-vous, comme Adeline Wrona, que "Tout individu représenté dans le portrait vaut un peu plus que par lui-même" ?
Sujet C :
Olympe de Gouges, Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne. Claire Marin, Être à sa place, 2022.
Dans la recherche d'égalité, écrire et combattre signifie-t-il bousculer toutes les places ?