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Exploitations philosophiques des œuvres au programme bac français

Les enjeux philosophiques de Manon Lescaut de Prévost : désir, liberté, morale, bonheur et société

Le 30/07/2025 0

Enjeux philosophiques des oeuvres

Exploitations philosophiques des œuvres littéraires au bac de français

Les œuvres étudiées en classe de Première pour le bac de français ne sont pas seulement des objets d’analyse littéraire. Elles mettent en scène des personnages, des conflits, des passions, des dilemmes — autant de situations qui touchent à des questions philosophiques fondamentales : qu’est-ce que la liberté ? le désir nous rend-il heureux ? la morale s’oppose-t-elle à l’amour ? comment vivre en société ?

Cette rubrique propose d’explorer les prolongements philosophiques des grandes œuvres du bac.

Tu y trouveras :

  • des éclairages notionnels (désir, liberté, bonheur, morale, société…),
  • des analyses thématiques de textes,
  • des sujets types de dissertation de philosophie intégrant les œuvres,
  • des outils pour penser les liens entre littérature et philosophie.

 

Les enjeux philosophiques de Manon Lescaut :

désir, liberté, bonheur, morale et société

 

Le roman Manon Lescaut de l’abbé Prévost, inscrit au programme du bac de français en Première, ne se limite pas à une histoire d’amour tragique. À travers la passion dévorante du chevalier Des Grieux pour Manon, il donne chair à des questions philosophiques majeures, qui touchent au désir, à la liberté, à la morale, au bonheur, et aux rapports entre l’individu et la société.

  •  Peut-on aimer sans perdre sa liberté ?
  •  Le désir est-il un moteur vital ou une source de souffrance ?
  •  Jusqu’où peut-on transgresser la morale au nom de l’amour ?
  •  La société condamne-t-elle les passions ou nous protège-t-elle d’elles ?
  •  Peut-on être heureux quand on vit contre les normes sociales ?

Cette page propose d’examiner Manon Lescaut sous un regard philosophique, en croisant les analyses littéraires avec les grands penseurs (Spinoza, Rousseau, Kant, Schopenhauer…), pour nourrir aussi bien la réflexion en Première qu’en Terminale.

 

Et si la littérature nous permettait de mieux comprendre la philosophie ?
Manon Lescaut, roman emblématique du XVIIIe siècle, raconte l’histoire passionnée et tragique de Des Grieux, jeune homme qui renonce à tout — raison, honneur, avenir — pour suivre une femme qu’il aime jusqu’à l’aveuglement. Mais ce récit romanesque est aussi une véritable matière à penser.

 

Les enjeux philosophiques du roman de Prévost, Manon Lescaut1. La passion

Portée philosophique :

La passion, chez Des Grieux, est un affect dévorant qui s’impose à la volonté. Il s’agit d’un exemple parfait de ce que les philosophes comme Descartes ou Spinoza appellent une passion : un mouvement de l’âme subi, qui échappe au contrôle de la raison. Le héros perd son autonomie de sujet rationnel : il est « esclave » de sa passion.

Chez Spinoza, les passions sont des effets de causes extérieures que l’on ne comprend pas. Des Grieux illustre cette impuissance du sujet : il sait qu’aimer Manon le mène à la ruine, mais il ne peut s’en empêcher.

En parallèle, la passion peut être vue comme une forme d’expérience existentielle : chez Rousseau ou même chez les romantiques, la passion donne une intensité à la vie que la raison seule ne peut offrir. C’est ce que vit Des Grieux, prêt à tout sacrifier pour cet amour.

 Manon Lescaut pose donc la question centrale : faut-il choisir la raison ou la passion, la lucidité ou la vitalité affective ?

 

Bilan : 

Problématiques possibles :

  • La passion est-elle un obstacle à la liberté ?
  • Faut-il fuir les passions pour être heureux ?
  • Peut-on être lucide quand on est passionné ?

 

Exploitation :

  • Le chevalier Des Grieux est emporté par sa passion pour Manon, au point de trahir sa vocation religieuse, ses principes moraux, sa famille, la loi.
  • Il illustre le pouvoir destructeur des passions, mais aussi leur intensité : « Je sentis que j’étais devenu l’esclave de ma passion ».
  • Son parcours montre que la passion peut rendre aveugle, mais aussi donner un sens à la vie, aussi tragique soit-il.

 

L’amour de Des Grieux est total, irrationnel, dangereux.

  • Il illustre ce qu’est une passion : un trouble de l’âme, un emportement incontrôlable.
  • Pour certains philosophes (Spinoza, les stoïciens), c’est un piège, pour d'autres (Nietzsche, les romantiques), une force vitale.
  •  Tu peux montrer que la passion peut être une forme d’aliénation ou d’intensité vécue selon la vision du monde qu’on adopte.

 

Les enjeux philosophiques du roman de Prévost, Manon Lescaut2. La liberté

Portée philosophique :

Le roman est une étude de la dépendance : Des Grieux se croit libre lorsqu’il quitte Saint-Sulpice, mais il devient totalement dépendant de Manon. Il agit par impulsion, par nécessité affective.

Cela rejoint l’idée de liberté d’indifférence chez Descartes ou Spinoza : tant que je suis guidé par mes affects, je ne suis pas libre ; je suis conduit, non par moi-même, mais par ce qui me détermine de l’extérieur.

La liberté véritable, selon Kant, réside dans l’autonomie morale, c’est-à-dire dans la capacité à se donner à soi-même la loi. Des Grieux, en renonçant à ses principes moraux, abdique cette liberté au profit d’un amour possessif.

Mais le roman montre aussi une tentative désespérée de conquérir la liberté face à une société oppressive : Manon cherche une liberté matérielle, Des Grieux une liberté affective. Cela ouvre à une lecture sociologique ou politique de la liberté : la liberté est-elle possible dans un monde structuré par les inégalités ?

 

 Bilan : 

Problématiques possibles :

  • Sommes-nous maîtres de nos désirs ?
  • L’amour rend-il libre ?
  • Être libre, est-ce faire ce que l’on veut ?

 

Exploitation :

  • Des Grieux croit être libre en suivant Manon, mais il est en réalité aliéné par son désir et sa dépendance affective.
  • Manon, elle, joue d’une certaine liberté, mais son goût du luxe et sa peur de la misère la rendent aussi prisonnière de ses choix.
  • Le roman suggère que la liberté peut être compromise par des passions irrationnelles ou des déterminismes sociaux.

 

Des Grieux est-il libre quand il suit son amour pour Manon ?

  • Il agit contre sa volonté rationnelle, sous l’emprise de la passion : il perd sa liberté intérieure.
  • Il illustre ce que Spinoza ou Kant appellent un homme non libre, esclave de ses désirs.
  •  Tu peux utiliser Des Grieux pour dire que la vraie liberté, c’est la maîtrise de soi, pas la soumission à ses émotions.

 

Les enjeux philosophiques du roman de Prévost, Manon Lescaut3. Le bonheur

Portée philosophique :

Le bonheur semble être la visée des deux amants. Mais leur poursuite du plaisir (luxe, amour, évasion) les éloigne de toute forme de bonheur durable. Cela rejoint l’opposition antique entre :

Hédonisme (Épicure) : rechercher le plaisir mesuré, stable ;

et Stoïcisme (Sénèque, Marc Aurèle) : rechercher la paix de l’âme par le détachement.

Des Grieux, en s’abandonnant à des passions violentes, s’épuise et souffre : son malheur est la conséquence de son incapacité à maîtriser ses désirs. Il illustre le fait que le bonheur demande une forme de tempérance, voire de sagesse, comme l’enseignent les sagesses antiques.

Mais le roman pose aussi la question moderne : le bonheur doit-il être un état stable, ou peut-il résider dans l’intensité des émotions, même tragiques ? Pour certains penseurs comme Nietzsche, la vie intense vaut mieux qu’une existence tiède et raisonnable.

 

Bilan 

Problématiques possibles :

  • Le bonheur est-il compatible avec la passion ?
  • Le bonheur dépend-il de la vertu ?
  • Peut-on être heureux sans sagesse ?

 

Exploitation :

  • Le bonheur que cherchent Des Grieux et Manon est toujours fugitif : ils goûtent des instants de joie, mais l’instabilité de leur relation et les scandales la rendent impossible à long terme.
  • Des Grieux sacrifie tout pour une forme de bonheur intense mais éphémère : on pourrait y voir une opposition entre hédonisme et eudémonisme.
  • Le roman devient une forme de méditation sur l’illusion du bonheur lorsqu’il repose sur la passion et non sur la raison.

 

Les deux héros cherchent le bonheur dans l’amour et le plaisir… mais ne trouvent que souffrance.

  • Le roman montre qu’un bonheur fondé sur les désirs instables est fragile et trompeur.
  • Cela rejoint les idées des philosophes antiques (Épicure, les stoïciens) qui valorisent la mesure et la paix intérieure.
  •  Tu peux montrer que Des Grieux confond plaisir immédiat et bonheur durable.

 

Les enjeux philosophiques du roman de Prévost, Manon Lescaut4. La morale / le devoir

Portée philosophique :

Le roman illustre une transgression permanente des normes morales et sociales : vol, mensonge, séduction intéressée. Mais cette transgression est portée par une logique amoureuse et affective : est-elle alors légitime ?

La tension entre devoir moral et désir personnel est au cœur de la pensée kantienne. Pour Kant, la morale repose sur une loi universelle et rationnelle. Des Grieux, en suivant sa passion, agit par inclination, non par devoir. Il serait donc immoral au sens kantien.

Mais le roman peut aussi se lire à travers une morale du cœur : comme chez Pascal, les raisons du cœur échappent à la logique rationnelle. L’amour n’est pas forcément immoral ; il obéit à une autre logique.

On peut aussi mobiliser Hegel : la morale n’est pas purement individuelle. Les personnages sont broyés par les contradictions entre leur subjectivité et les normes sociales. Ce conflit est au cœur de toute éthique moderne.

Bilan : 

Problématiques possibles :

  • Peut-on désobéir à la morale au nom de l’amour ?
  • L’homme doit-il toujours suivre la raison ?
  • La morale s’oppose-t-elle aux désirs ?

 

Exploitation :

  • Des Grieux transgresse les normes sociales et religieuses pour suivre Manon.
  • Il se débat entre sa formation religieuse (à Saint-Sulpice) et ses élans amoureux : tension entre le devoir et le désir.
  • Le roman illustre bien une opposition entre la morale kantienne (agir par devoir) et une morale plus sentimentaliste.

 

Des Grieux transgresse toutes les normes pour Manon : il ment, trahit, vole.

  • Cela pose une question centrale : doit-on suivre son cœur, ou faire ce qui est juste ?
  • Chez Kant, agir moralement, c’est suivre une loi valable pour tous / Des Grieux est donc immoral.
  •  Tu peux utiliser le roman pour illustrer le conflit entre désir personnel et devoir moral universel.

 

Les enjeux philosophiques du roman de Prévost, Manon Lescaut5. La société / les déterminismes sociaux

Portée philosophique :

Manon Lescaut peut se lire comme une critique sociale voilée. Le récit met en lumière le poids des inégalités, la corruption des élites, l’hypocrisie des institutions (religieuses, judiciaires).

Manon est en quelque sorte victime de sa condition : jeune, pauvre, belle, dans un monde patriarcal, elle a peu de moyens pour s’en sortir autrement que par le charme et la ruse. On peut la rapprocher d’une figure rousseauiste : née bonne, mais pervertie par la société.

Des Grieux, bien que noble, se heurte à la rigidité d’un ordre social où l’amour transgressif est puni. Cela illustre le fait que les individus ne sont pas entièrement libres : leurs choix sont conditionnés par leur position sociale, leurs affects, et les attentes de leur époque.

Le roman anticipe ainsi des thèses sociologiques modernes (Bourdieu, Durkheim) sur la place du déterminisme dans la formation des trajectoires de vie.

 

Bilan 

Problématiques possibles :

  • Sommes-nous libres de choisir notre vie ?
  • La société rend-elle l’amour impossible ?
  • Les inégalités peuvent-elles justifier l’immoralité ?

Exploitation :

  • Manon est contrainte de séduire pour survivre : sa condition de femme pauvre dans une société patriarcale et corrompue explique en partie ses choix.
  • Le roman critique l’hypocrisie sociale : les institutions religieuses, judiciaires, et les classes sociales empêchent un amour sincère d’éclore.

 

Manon est jugée, condamnée, envoyée en exil car elle ne rentre pas dans les cases sociales.

  • Le roman critique l’hypocrisie de la société, les injustices sociales, la difficulté à exister librement quand on est pauvre, jeune, femme.
  • Cela permet de réfléchir à la part sociale de nos choix et aux déterminismes qui pèsent sur nous.
  • Tu peux montrer que le roman pose la question : sommes-nous vraiment libres dans une société injuste ?

Fiche bilan sur manon lescaut et les exploitations philosophiques

Comment l’utiliser concrètement dans une dissertation ou un commentaire ?

  • En exemple : pour illustrer un argument (comme tu le ferais avec un fait d’actualité ou une référence historique)
  • En contre-exemple : pour nuancer une théorie trop rigide (par ex. : Kant dit qu’il faut toujours suivre le devoir, mais le roman montre que ce n’est pas si simple)
  • En point de départ : partir d’un personnage ou d’une scène pour poser une question philosophique
  • : Si tu arrives à faire le lien entre ce que vit Des Grieux et ce que disent les philosophes, tu montres que tu maîtrises à la fois la culture générale et le raisonnement.

 

En résumé : ce qu’il faut retenir

 

Liberté /  Être libre, c’est être autonome /  Des Grieux est dominé par sa passion, donc il perd sa liberté

Passion /  La passion est un affect subi  /   L’amour de Des Grieux pour Manon est violent, incontrôlable

Bonheur  /   Le bonheur demande de la mesure /   Leur quête du plaisir les mène à la souffrance

Morale  /    Agir moralement, c’est suivre une loi juste, un devoir universel  /   Des Grieux sacrifie la morale à son désir personnel

Société /   La société peut enfermer les individus  /   Manon est victime de sa condition sociale et de son époque, Manon est condamnée pour ses choix, victime de sa condition de femme pauvre

 

 

Phrases types à réutiliser dans une copie

  • « Comme le montre Manon Lescaut, la passion peut totalement aliéner la liberté de celui qui en est l’objet. »
  • « À travers Des Grieux, Prévost illustre ce que Spinoza appelle la servitude passionnelle. »
  • « Ce roman permet de questionner la frontière entre amour sincère et aveuglement destructeur. »
  • « Le personnage de Manon incarne une forme de révolte contre une société injuste, mais elle en paie le prix. »
  • « L’exemple de Des Grieux nuance l’idée kantienne selon laquelle le devoir doit toujours primer sur l’inclination. »

 

 

Fiche bilan sur manon lescaut et les exploitations philosophiquesPersonnages utiles :

  • Des Grieux : passionné, irrationnel, dominé par l’amour.
  • Manon : ambiguë, entre calcul et passion, victime et manipulatrice.

Scènes marquantes :

  • Rencontre à l’auberge (coup de foudre) → naissance de la passion
  • Renoncements de Des Grieux → perte de liberté
  • Exil et mort de Manon → échec tragique de la quête du bonheur

le baccalauréat de philosophie

SUJET 1

Sommes-nous les maîtres de nos désirs ?

  •  Notion : Liberté / Désir
  •  Problématique : Peut-on contrôler nos désirs ou sommes-nous déterminés par eux ?
  •  Utilisation : Des Grieux est dominé par son désir amoureux : il sacrifie tout. Il est l’exemple parfait d’un homme non maître de lui-même, esclave de sa passion. Cela illustre bien la thèse de Spinoza : « L’homme croit être libre, mais il est déterminé par les causes extérieures. »

 SUJET 2

La passion est-elle un obstacle à la liberté ?

  •  Notion : Passion / Liberté
  •  Problématique : Peut-on être libre quand on est gouverné par ses émotions ?
  •  Utilisation : Le parcours de Des Grieux montre que la passion amoureuse peut anéantir la liberté intérieure. Il désobéit à ses valeurs, à sa famille, à sa vocation. Il n’agit plus par raison mais par impulsion ➤ bon exemple d’aliénation passionnelle.

SUJET 3

Faut-il toujours suivre sa raison ?

  •  Notion : Raison / Morale / Liberté
  •  Problématique : La raison est-elle une meilleure guide que le cœur ou la passion ?
  •  Utilisation : Des Grieux ne suit pas sa raison, mais son cœur. Cela le conduit à la souffrance et à la ruine. Manon Lescaut peut être utilisé comme contre-exemple de la thèse sentimentale (type Rousseau) et exemple en faveur de la maîtrise rationnelle de soi (type Kant ou les stoïciens).

 SUJET 4

Le bonheur peut-il être une fin moralement légitime ?

  •  Notion : Bonheur / Morale
  •  Problématique : Peut-on poursuivre son bonheur personnel sans compromettre la morale ?
  •  Utilisation : Des Grieux cherche le bonheur dans l’amour et le plaisir. Mais cela l’amène à mentir, voler, trahir ses principes. L’œuvre montre bien qu’un bonheur basé sur le désir immédiat peut être moralement condamnable (vue kantienne), voire auto-destructeur.

 SUJET 5

Une société injuste peut-elle produire des individus justes ?

  •  Notion : Justice / Société
  •  Problématique : L’individu peut-il rester juste dans un système qui ne l’est pas ?
  •  Utilisation : Le traitement infligé à Manon (déportation, mépris de classe) révèle la cruauté sociale. Des Grieux devient injuste en voulant la protéger ➤ bon exemple pour montrer que l’injustice du cadre social peut pervertir les individus.

 SUJET 6

L’amour est-il compatible avec la morale ?

  •  Notion : Morale / Désir / Passion
  •  Problématique : Aimer conduit-il à transgresser les règles morales ?
  •  Utilisation : Des Grieux aime sincèrement Manon, mais viole toutes les règles morales. Cela permet d’interroger la tension entre amour passionnel et devoir moral ➤ bon exemple pour réfléchir aux limites de l’éthique kantienne face aux sentiments.

 

Sommes-nous les maîtres de nos désirs ?

 

Dès notre plus jeune âge, nous faisons l’expérience des désirs : nous désirons jouer, manger, aimer, posséder. Mais sommes-nous vraiment libres de ces élans intérieurs ? Être maître de ses désirs, ce serait pouvoir les choisir, les contrôler, les orienter. Pourtant, bien souvent, nous semblons au contraire subir nos désirs, comme des forces qui nous traversent et nous entraînent.

Prenons le cas du chevalier Des Grieux dans Manon Lescaut de l’abbé Prévost : jeune homme promis à la prêtrise, il tombe éperdument amoureux d’une femme qu’il suit jusqu’à la ruine et à la perte de soi. Peut-on vraiment dire qu’il a choisi cet amour, ou bien a-t-il été emporté par un désir plus fort que lui ?

Derrière cette question se cache un problème philosophique majeur : le désir est-il une expression de notre liberté, ou au contraire une source d’aliénation ? En d'autres termes, sommes-nous les auteurs de nos désirs, ou les objets de leur puissance ?

Nous verrons d’abord que les désirs semblent échapper à notre contrôle (I), puis qu’il est néanmoins possible de les maîtriser par la raison (II), avant d’interroger enfin la possibilité d’une liberté dans le désir, et non contre lui (III).

Le désir est-il une force intérieure que nous pouvons gouverner, ou bien sommes-nous déterminés par lui, incapables de le maîtriser ?
Peut-on concilier liberté et désir, ou faut-il nécessairement soumettre l’un à l’autre ?

 

 I – Le désir, une force qui nous échappe : nous ne sommes pas maîtres de nos désirs

 Idée principale :

Le désir surgit souvent en nous sans notre consentement. Il est lié à des causes extérieures ou inconscientes, et peut dominer notre volonté.

 Arguments :

Le désir est un affect spontané, pas une décision rationnelle.

Il nous pousse à agir même contre notre volonté morale ou notre intérêt rationnel.

La passion peut aliéner notre liberté.

 Références philosophiques :

Spinoza, Éthique : le désir vient des causes extérieures ; on croit être libre, mais on est déterminé.

Freud : les désirs sont souvent inconscients, nés de pulsions infantiles refoulées.

 Exemple littéraire :

Manon Lescaut de Prévost :
 Des Grieux subit son désir amoureux pour Manon.
 Il renonce à sa vocation religieuse, ment, vole, fuit la société, se compromet.
 Il n’est plus maître de lui-même, esclave de sa passion.
 Illustration parfaite du pouvoir destructeur du désir non maîtrisé.

 II – L’homme peut apprendre à maîtriser ses désirs par la raison et l’éducation

Idée principale :

Le désir ne doit pas nécessairement être subi : la raison, l’effort, et l’éducation peuvent permettre à l’homme de dominer ses désirs et de les ordonner.

 Arguments :

La liberté humaine consiste à se donner des règles et à orienter ses désirs.

L’autocontrôle est un idéal moral et philosophique (sage, stoïcien, etc.).

La maîtrise du désir est une condition de la liberté intérieure.

 Références philosophiques :

Stoïciens (Épictète, Sénèque) : la liberté consiste à dompter ses passions.

Kant, Fondements de la métaphysique des mœurs : agir moralement, c’est résister aux inclinations, obéir à la raison.

 Exemple littéraire :

Manon Lescaut est ici un contre-exemple :
 Le roman montre ce qui arrive quand on ne maîtrise pas ses désirs : désastre affectif, social, moral.
 Le lecteur en retire une leçon sur l’importance de la maîtrise de soi.

 III – Désirer librement : réconcilier liberté et désir

 Idée principale :

Il est possible de penser une liberté dans le désir, si l’on distingue les désirs qui nous dominent de ceux que nous choisissons en conscience.

 Arguments :

Certains désirs sont authentiques, en lien avec notre nature profonde.

Le désir n’est pas toujours une menace pour la liberté : il peut en être l’expression.

Il faut ordonner ses désirs, non les supprimer.

 Références philosophiques :

Rousseau, Émile : l’éducation doit nous apprendre à désirer le bien, et non à étouffer nos désirs.

Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra : les désirs puissants expriment la volonté de puissance ; la liberté consiste à choisir ses désirs.

 Exemple littéraire :

Relecture de Manon Lescaut :
 Des Grieux a peut-être choisi de vivre une passion jusqu’au bout.
 C’est une liberté tragique, mais qui donne du sens à sa vie.
 Le désir peut être un chemin vers l’accomplissement personnel, malgré ses dangers.

 

     Nos désirs semblent d’abord surgir en nous sans que nous les ayons choisis : ils peuvent nous emporter, comme le montre tragiquement l’histoire de Des Grieux dans Manon Lescaut. Pourtant, la philosophie nous apprend qu’il est possible de connaître nos désirs, de les éduquer, de choisir de leur obéir ou non.

Peut-être faut-il alors distinguer deux types de désirs : ceux qui nous aliènent (désirs impulsifs, sociaux, inconscients), et ceux qui nous révèlent (désirs profonds, réfléchis, orientés par des valeurs). Être libre, ce n’est pas ne plus désirer, mais savoir ce que l’on désire, et pourquoi on le désire.

 Ouverture : Cette réflexion rejoint les enjeux contemporains du consumérisme : sommes-nous libres de désirer tel objet ou telle mode, ou bien sommes-nous façonnés par des influences que nous ignorons ?

 

Quiz ton bac de philosophie

 

 

 

Quiz : Es-tu maître du sujet ?

 

 Choisis la bonne réponse pour chaque question (réponses en bas).

 Question 1

  • Quel philosophe affirme que « l’homme se croit libre parce qu’il a conscience de ses désirs, mais il en ignore les causes » ?
  • A. Kant
  • B. Spinoza
  • C. Freud
  • D. Épictète

 Question 2

  • Dans Manon Lescaut, quel comportement montre que Des Grieux n’est pas maître de lui-même ?
  • A. Il reste fidèle à son engagement religieux
  • B. Il résiste à Manon pour suivre sa raison
  • C. Il se laisse emporter par la passion, quitte tout et vole pour elle
  • D. Il devient philosophe et médite sur son amour

 Question 3

  • Pour les Stoïciens, être libre signifie :
  • A. Ne plus avoir aucun désir
  • B. Réaliser tous ses désirs rapidement
  • C. Être indifférent aux choses extérieures et dompter ses passions
  • D. Éviter tout contact social

 Question 4

Selon Kant, quand suis-je véritablement libre ?
A. Quand je suis mes désirs sans contraintes
B. Quand je fais ce que tout le monde fait
C. Quand j’agis par devoir selon la raison
D. Quand j’obéis à mes émotions profondes

 Question 5

  • Comment peut-on interpréter la passion de Des Grieux sous l’angle nietzschéen ?
  • A. Comme une faiblesse honteuse
  • B. Comme une forme d’aliénation
  • C. Comme une manifestation de la volonté de puissance et d’affirmation de soi
  • D. Comme un accident psychologique à traiter

 Question 6

  • Quel philosophe propose une éducation des désirs dans Émile ?
  • A. Nietzsche
  • B. Rousseau
  • C. Hume
  • D. Pascal

 Question 7

  • Le désir, selon Freud, est :
  • A. Une décision rationnelle
  • B. Une construction culturelle
  • C. L’expression d’une volonté morale
  • D. Le résultat de pulsions inconscientes

 Réponses

  • B — Spinoza
  • C — Il se laisse emporter par la passion
  • C — Être indifférent aux choses extérieures
  • C — Quand j’agis par devoir
  • C — Manifestation de la volonté de puissance
  • B — Rousseau
  • D — Pulsions inconscientes

 Ton score :

  • 7/7 : Bravo ! Tu maîtrises totalement la question.
  • 5-6/7 : Très bien, quelques points à revoir.
  • 3-4/7 : Revois les concepts clés (Spinoza, Kant, Stoïcisme, etc.).
  • 0-2/7 : Reprends le plan détaillé avec les définitions avant de refaire le quiz !

 

 

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